Pour quelles raisons l’accusé d’un meurtre sur le Maїdan peut-il se cacher dans un hôpital pour enfants?

Pour quelles raisons l’accusé d’un meurtre sur le Maїdan peut-il se cacher dans un hôpital pour enfants?

Ukrinform
Yuriy Krysine, principal accusé dans le meurtre du journaliste Vyatcheslav Veremiy et récemment condamné à 4 ans de prison avec sursis, a été hospitalisé « pour des analyses » au Centre pédiatrique de malformations cardiaques congénitales.

Le 1er mars, un appel du verdict contre Yuriy Krysine est prévu dans l’affaire concernant l'assassinat du journaliste Vyacheslav Veremiy.

Le 23 février dernier, il ne s'est pas présenté au tribunal, où il était convoqué pour une affaire d'attaque à main armée contre une station service, prétextant se trouver dans un Institut de cardiologie. En vérité, il n'y était pas encore. Ce n'est que le 27 février qu'il s'est présenté au service pour enfants d'une unité de soin. Des témoins, l'ayant reconnu, ont contacté des journalistes et quelques activistes qui lui ont versé un antiseptique vert, répandue dans les pays post-soviétiques (zelenka) sur la tête avant de l'inviter à se présenter à son audience du 1er mars. Krysine a justifié sa présence, face aux caméras par le besoin de faire "un bilan de santé parce qu'il faisait du sport".

Cette séquence a enflammé la toile en Ukraine, les internautes s'indignant de la présence de Krysine dans cet établissement quand on sait les difficultés que les parents ont pour faire admettre leurs enfants en attente d'opération. De nombreux messages venaient rappeler les semaines ou les mois d'attente avant une hospitalisation quand certains nécessitent juste une convocation au tribunal pour justifier de leur urgence.

Natalia Marinchenko, une bénévole, s'est emportée auprès d'un journaliste d’Ukrinform:

"Un enfant de Kriviy Rih s'est présenté à l'hôpital un jour, et les médecins ont dit qu'il n'y avait pas de place, bien que la veille du départ le médecin ait personnellement assuré que tout était en ordre et qu’il serait hospitalisé. Ils ne lui ont même pas proposé d'aller dans le service pour adultes".

Une question légitime se pose : comment Yuriy Krysine, un individu impliqué dans trois affaires judiciaire, connu dans les milieux criminels de Kyiv (et pas seulement) sous les noms flatteurs de « Shrek » et de « Rat », s’est-il retrouvé hospitalisé dans un service de cardiologie pour enfants de la clinique du médecin Todourov et, surtout, qui a autorisé son séjour ?

Comment Yuriy Krysine a t-il pu être admis ?

Krysine a en réalité probablement été « hébérgé »  dans le service pour enfants de l'Institut de cardiologie par un certain Maxim Ivasenko, mari de la responsable du département, Irina Aksenova. Roman Sinitsyne, un autre bénévole a expliqué que lorsque les activistes sont arrivés dans la chambre de Krysine, Maxim Ivasenko, était assis sur le lit à côté de lui :

"Nous pensions que c’était un patient ou un visiteur. Mais quand on est allé voir la page Facebook de la responsable du département , Aksenova, on s'est rendu compte que c’était son mari qui se trouvait dans la pièce avec Krysine », a publié le bénévole sur son compte facebook.

La conversation téléphonique avec Mme Aksenova a duré moins de 2 minutes. Interrogé sur son  étrange patient, elle a raccroché, empêchant les questions à venir sur l'implication de son mari. Elle a cependant confirmé l'admission de Krysine dans son service :

"Les patients peuvent venir dans notre clinique en ambulance, envoyé par un médecin ou sur rendez-vous. Quant au patient en question, Yuriy Krysine, je ne l’avais jamais vu auparavant. La seule chose que je peux dire, c'est qu'il a de sérieux problèmes cardiaques. C'est tout. En ce qui concerne la file d'attente de six mois pour notre hôpital, cette information ne correspond pas à la réalité. À ce jour, il n'y a pas de file d'attente dans notre département".

Interrogé à son tour sur les raisons justifiant l'admission d'un homme de 45 ans dans un service pour enfants et la personne qui avait pu le permettre, ainsi que sur l'éventuelle saturation du département de chirurgie pour adulte, le directeur de l’Institut de cardiologie, Borys Todourov, a tenté de justifier cet acte par une pratique courante de l'établissement :

"Aujourd'hui, la clinique est surpeuplée [désavouant ainsi Mme Aksenova]. Quand il n'y a pas de places dans  le service  pour adultes, nous mettons le patient dans un lit libre, même dans le service pour enfants. C’est la première chose. La deuxième, il n'y a pas de file d'attente de plusieurs mois pour être admis dans le service pour enfants. Ce n'est pas vrai. Les patients sont opérés immédiatement après leur arrivée. Et troisièmement, tout ce qui se passe dans le domaine [judiciaire] ne nous concerne pas. Comprenez que nous ne sommes ni des procureurs ni des juges, nous sommes des médecins, et nous prêtons assistance à tous sans exception. Quant au patient Yuriy Krysine, je ne l'ai même pas vu car j'ai passé toute la journée en salle d'opération. Pour autant que je sache, il a été mis au premier endroit libre, dans le service pour enfants. On m'a parlé d'un groupe de personnes qui, en violation de toutes normes sanitaires, ont pénétré dans la clinique, ont versé de l’antiseptique vert sur le patient et ont organisé un rassemblement éclair. L'hôpital n'est pas le meilleur endroit pour verser  cet antiseptique vert sur quelqu'un. Si vous voulez, faites-le n'importe où, mais pas ici. Et si le patient s’était trouvé en situation de pré-infarctus, comment cela aurait pu se terminer? Ce que je sais aussi, c'est que Yuriy Krysine, dix minutes à peine après l'incident, a signer et quitté la clinique. C’est tout ce que je sais».

Krysine a respecté les meilleures traditions: pour éviter le tribunal, il est allé à l'hôpital

C'est de cette manière que Svitlana Kirilach,  veuve du journaliste Vyacheslav Veremiy, et son avocat Pavlo Dykane  commentent cette affaire :

"Je pense que tout cela a été planifié pour que le suspect échappe au procès. Mais leurs plans ont été brisés parce que le public a tout appris. Je ne sais même plus à quoi m'attendre. Malgré cela, je doute que Krysine comparaisse le 1er mars pour l'appel demandant sa mise en détention", a déclaré Kirilach.

En ce qui concerne son avocat, il dit ignorer comment et pourquoi l'accusé s'est retrouvé dans cet hôpital mais préfère insister sur l'ordinarité de la pratique dans les tentatives d'échapper au tribunal :

"J’ignore comment Krysine s’est retrouvé dans le service pour enfants et ce qu’il était en train de se faire soigner là-bas. Peut-être que dans le service pour adultes, il n'y avait  pas assez de place pour lui et que par conséquent, une personne aussi «importante» a été placée dans le service pour enfants. En tout cas, le 1er mars, un appel concernant l'affaire Krysine doit avoir lieu. Et si son séjour à la clinique lui sert d’alibi pour ne pas comparaître à l'audience, c'est avant tout une tentative d'évasion du tribunal, ce qui me semble bien léger et ridicule. Toutefois, les cas où l’accusé commence à avoir des problèmes de santé pour éviter les procédures judiciaires deviennent une tradition en Ukraine".

Averti de la déclaration de Borys Todourov selon laquelle Yuriy Krysine aurait quitté la clinique, l'avocat a répondu : "Je pense qu'après tous les événements de la veille, l'administration de l'Institut cardiaque a promptement écarté Krysine. La clinique n'avait pas besoin d'une telle publicité".

Il reste cependant deux questions importantes dans cette affaire, la première étant du côté de la législation. Quels règlement médicaux permettent à un adulte, s'il y en a, d'être admis dans des services pédiatriques, et sans urgence puisqu'il ne s'agissait que d'une consultation ? Et la deuxième, certainement plus importante pour la suite judiciaire de l'appel interjeté à son encontre, où se trouve Krysine à l'heure actuelle et se présentera t-il au tribunal le premier mars ou trouvera t-il de nouveaux "protecteurs" influents pour le "soulager" de ses responsabilités face au meurtre d'un journaliste ?

Myroslav Lyskovitch

(EH)


Let’s get started read our news at facebook messenger > > > Click here for subscribe

Pour toutes citation et utilisation de documents sur Internet, ouverts aux moteurs de recherche, des hyperliens au premier paragraphe vers "ukrinform.fr" sont oblugatoires. En outre, des reproductions de traductions d’articles provenant de médias étrangers ne sont possibles qu’avec un lien hypertexte vers le site ukrinform.fr et sur les sites Web des médias étrangers. Documents marqués "Publicité" ou avec une clause de non-responsabilité: "Le matériel est publié conformément à la partie 3 de l’article 9 de la loi ukrainienne "sur la publicité" n° 270/96-VR du 3 juillet 1996 et à la loi de l’Ukraine "Sur Médias" n° 2849-IX en date du 31 mars 2023 et sur la base de la Convention/facture.

© 2015-2024 Ukrinform. Tous droits réservés.

La conception de site — Studio «Laconica»

Recherche avancéeMasquer la barre de recherche avancee
Par période:
-