Ihor Cherkaskyy, directeur du Service Public de Monitoring financier
Le système financier doit correspondre aux standards globaux, sans quoi la croissance économique est impossible.
07.03.2018 14:30

une des limitations les plus dangereuses pour le développement européen progressif de l'Ukraine est la corruption du pouvoir et la propagation de crimes tels que le blanchiment de revenus criminels et le financement du terrorisme.

On peut trouver ces derniers temps dans les média de plus en plus d’informations sur le monitoring financier public et son rôle dans la lutte contre le blanchiment d'argent sale et le financement du terrorisme. C'est lié en premier lieu à la tenue de l'estimation nationale des risques, au blocage des opérations financières douteuses exécutées par l'ancien régime d'un montant dépassant le milliard et demi de dollars américains, confisqués au budget de l'Ukraine

Cependant, le Comité d'experts du Conseil de l'Europe sur l'évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (MONEYVAL) a récemment adopté le Rapport sur l’évaluation de l'Ukraine, ce qui constitue un fait important. Il a été publié à la fin du mois de janvier de l’année en cours. Le travail sur l'évaluation a été coordonné par le Service Public de Monitoring Financier de l’Ukraine.

Pour en savoir plus sur ces sujets nous avons demandé un entretien avec le chef de la Cellule de Renseignement Financier et directeur du Service Public de Monitoring Financier de l’Ukraine, Ihor Borysovych Cherkaskyy.

- Monsieur le directeur, intéressons nous tout d'abord à l’affaire qui à suscité à l’époque le plus grand intérêt du public, c’est à dire la confiscation effective des 1,5 milliard de dollars américains.

- Oui, ces actif ont été notamment révélés et bloqués par le Service Public de Monitoring Financier.

- Pouvez-vous détailler un peu le processus d’investigation financière?

- Ca a été l'investigation financière la plus importante de toute l'histoire du blanchiment de capitaux, de détournement et d’appropriations des fonds publics par Yanoukovych et des personnes liées à ce dernier. Elle a pris en compte le traitement de données courantes reçues de différentes sources d'information et de diverses bases de données, l'étude des mouvements de fonds transfrontaliers et internes, l'identification des IP - adresses des participants aux schémas de criminalité, et la coopération active avec des partenaires étrangers. Il a également fallu prendre en considération le puissant lobby juridique du système de blanchiment des capitaux.

- Pour autant que je sache, pour blanchir ces capitaux, il a fallu utiliser les instruments publics financiers ...

- Tout à fait. On a noté l'utilisation d'obligations d'emprunts internes d'Etat. Dans le but de légaliser, une partie des fonds suspectés a été utilisée pour acquérir les obligations d'emprunts internes d’Etat de grande valeur, émises en dollars américains. Le reste des fonds a été placé sur des comptes de dépôt.

Nous avons monitoré les relations entre les ex-fonctionnaires et les sociétés non résidentes. Il est apparu que les « investissements » susmentionnés étaient en réalité des fonds retirés au préalable des fonds ukrainiens (par ces mêmes ex-fonctionnaires). On les faisait ensuite entrer de nouveau en Ukraine pour recevoir des bénéfices exceptionnels et des garanties de la part de l’Etat.

Dans le cadre de notre investigation, on a pu affirmer le fait que plus d’un millier d’opérateurs économiques ont été impliqués dans ce processus.

- Si on parle du milieu financier professionnel, l'une des récentes nouvelles les plus importantes est le résultat du cinquième round de l'évaluation de l’Ukraine par le Comité du Conseil de l’Europe « MONEYVAL » . Que signifie cette évaluation internationale pour notre pays?

- Je voudrais commencer par rappeler que l’Ukraine a une assez longue histoire relationnelle avec MONEYVAL, et que cette coopération est un élément important de notre intégration européenne.

Dans la pratique, le but principal du Comité MONEYVAL est l'évaluation des Etats pour la vérification de l’implémentation technique des standards FATF et l’efficacité du travail des systèmes nationaux. Ils analysent les sphères juridique, financière ainsi que d’application des lois. L’objectif final est la faculté des pays-membres du Conseil de l’Europe de posséder des systèmes effectifs de lutte contre le blanchissement des capitaux et le financement du terrorisme et leur conformité aux standards internationaux actuels.

C’est pour cela que les résultats de telles évaluations ont des conséquences fondamentales pour tout pays.

- En quoi consiste l’activité de l’Ukraine au Comité MONEYVAL?

- Les experts ukrainiens, compris les spécialiste du Service Public de Monitoring Financier agissent en qualité d’analystes des pays (et notamment de l’Ukraine) et présentent leurs conclusions, commentaires et propositions.

Les rapports de l'évaluation mutuelle sont examinés aux cours des assemblées plénières du Comité MONEYVAL. Plusieurs fois par an la délégation ukrainienne, sous la direction du Service Public de Monitoring Financier, y prend part.

De plus, MONEYVAL est membre du Groupe FATF, et ce fait donne à l’Ukraine la possibilité de participer au travail du FATF. C’est une organisation internationale parmi les plus reconnues dans ce domaine.

Grâce à ce mécanisme l’Ukraine est au courant de tous les schémas internationaux concernant le blanchissement de capitaux et le financement du terrorisme.

- Pouvez-vous donner plus de détails sur l’évaluation de l’Ukraine? Comment pouvez-vous commenter la situation avec les évaluations de MONEYVAL de manière générale et qu’est-ce qui était attendu pour ce 5ème tour?

- Pendant toute la période de coopération avec le Comité MONEYVAL on a effectué 3 tours d'évaluation de l’Ukraine. Le quatrième devait avoir lieu au début de l’année 2014 n’a pas été effectué à cause de la Révolution de la Dignité.

Ainsi l’Ukraine est l'un des premiers pays a passer ce 5ème tour. Et ce tour d'évaluation est unique. Les évaluations précédentes n’étaient concentrées que sur la vérification de la conformité technique de la législation nationale aux exigences FATF. Tandis qu'il s'agit maintenant de vérification d’efficacité du système de lutte contre le blanchissement de capitaux et le financement du terrorisme ainsi qu'une nouvelle estimation de la conformité technique certainement.

A cet effet on a attiré l’attention sur les questions d’efficacité du travail, et sur le fait que sa mésestimation pouvait avoir des conséquences négatives.

- Pouvez-vous préciser ?

- Les résultats de l’évaluation influencent le niveau de régime de monitoring du pays de la part de MONEYVAL et du FATF. On ne peut jamais exclure le risque d’inscription sur la liste «noire» ou «grise» du FATF, si le total des classement est négatif.

Souvenez-vous que selon les résultats des estimations précédentes du Comité MONEYVAL l’Ukraine a plus d’une fois été inscrite sur les listes de sanctions du FATF : la liste «noire» en 2001 (avec des sanctions économiques ultérieures) et la liste «grise» en 2010.

Après ce 5ème tour d'évaluation de MONEYVAL, des pays du Conseil de l’Europe tels que la Serbie, la Hongrie et l’île de Man ont été inscrits sur la liste du FATF mais pas l’Ukraine!

- De quelle manière a été effectuée l'évaluation et quelle était votre mission?

- Le début de ce round est tombé au mois d’août 2016, quand l’Ukraine (le Service Public de Monitoring Financier) a reçu de la part du Comité du Conseil de l’Europe ce que l’on appelle des «questionnaires», comprenant des questions concrètes, des exemples et des précisions de données statistiques.

Ce travail prévoit le traitement de milliers de pages de matériaux analytiques ainsi que leur traduction en anglais et en ukrainien. Le Service a tenu à peu près quarante réunions multidisciplinaires et méthodologiques pour aider toutes les autorités publiques et le secteur privé à présenter dignement nos réussites.

- Parlons de la Mission de visite de MONEYVAL, comment s’est-elle déroulée en Ukraine?

- La Mission de MONEYVAL a travaillé en Ukraine du 23 mars au 8 avril 2017, soit plus de deux semaines. Une équipe de 11 experts – représentants divers pays a évalué l’Ukraine.

Les experts étaient divisés en deux groupes. Un groupe travaillait avec les représentants des autorités publiques, des services d’application de la loi, des services réglementaires etc. L'autre groupe s’est concentré sur le secteur privé et les organisations publiques.

On a discuté de la question de l’efficacité de l'implantation pratique des Recommandations de FATF.

- Quel était le format de cette inspection?

- D’un côté cette inspection à pris la forme d’une interview de la partie ukrainienne concernant la lutte contre le blanchissement de capitaux, mais dans la réalité il s’agissait d’un audit intégral et international. On a vérifié l’authenticité des données présentées, comparé les données administratives et statistiques, réalisé une enquête croisée et d'autres caractéristiques requises pour une telle évaluation. On a effectué un travail considérable.

- Et après?

- Après la fin de la mission, le Service Public de Monitoring Financier a participé à la préparation du Rapport. Nous avons présenté des centaines de commentaires aux requêtes complémentaires des experts-estimateurs, nous avons analysé et présenté nos observations détaillées sur trois projets de Rapport successivement préparés. Nous avons aussi préparé des réponses aux requêtes des autres pays en ce qui concerne le projet. C’était un travail colossal.

- Le Rapport a finalement été approuvé ?

- Pas tout à fait. D’abord parce que l’Ukraine a préalablement défendu son projet. A cet effet au mois d’octobre ernier se sont réunis «en tête à tête» la délégation ukrainienne, les experts-estimateurs et le Secrétariat du Comité MONEYVAL à l’office du Conseil de l’Europe. On a présenté aux experts tous les renseignements complémentaires et les données statistiques. Le projet de Rapport a été discuté en détails et on a préalablement approuvé les résultats de l’Ukraine selon les 40 Recommandations FATF et les questions d’efficacité.

C'est seulement après cette procédure que le projet de Rapport a été soumis à l’examen du Groupe de travail sur les questions d’estimation auprès du Comité MONEYVAL, et après à la délibération de l’Assemblée plénière...

_D’après vous ce processus se présente difficilement ?

C’est vraiment comme ça. les conclusions et recommandations que nous avons reçu sont toutes valables. Le Comité MONEYVAL a approuvé le Rapport vérifié et justifié et j’en remercie nos partenaires internationaux.

- Que s'est-il passé de spécial pendant la semaine d'assemblée plénière MONEYVAL lors de l'approbation du Rapport?

- C’était au mois de décembre de l’année dernière. Le travail de la délégation ukrainienne à Strasbourg a été très intense. Nous avons réussi à unifier les représentants du Bureau National de lutte contre la corruption, du Bureau du Procureur général, du Bureau de Sécurité, de la Banque Nationale, des Services Fiscaux d’Etat et d'autres en une seule équipe. Pour la première fois depuis des années les représentants du Secrétariat du Conseil des Ministres et du Ministère des finances ont fait partie de la délégation. Tous ont travaillé ensemble pour atteindre le meilleur résultat.

On a discuté des questions concernant l’application du mécanisme de confiscation, les estimations nationales des risques, la coopération internationale ainsi que les mesures visant à empêcher le financement d'armes de destruction massive.

Le 7 décembre 2017 le Comité a approuvé le Rapport et le 30 janvier de cette année il a été mis à la disposition du public.

- Quelles priorités avez-vous défini dans ce processus?

- Le principal c’est de faire tout son possible pour que l’action de monitoring de sanctions du Comité MONEYVAL et par la suite de celui du FATF ne touche pas l’Ukraine. Parce que pour notre pays, qui est en état de guerre, l’inscription dans la liste «grise» du FATF pourrait affecter négativement le classement du pays. C’est pourquoi cette question était très importante pour nous. De ce fait notre état d’esprit était péremptoire, nous défendions chacune de nos observations à chaque conclusion critique des pays-membres de MONEYVAL concernant le projet de Rapport.

- A votre avis, avez-vous atteint le résultat désiré ?

- Nous en sommes contents. L’assemblée plénière MONEYVAL a confirmé sans objections que l'Ukraine est une juridiction sûre dans les questions de lutte contre le blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme. Nous sommes reconnus comme un pays qui n'a pas besoin d’actions spéciales de contrôle, autrement dit «de balises», de la part du Comité du Conseil de l'Europe MONEYVAL et du FATF.

En outre, le Rapport n’est que le début des transformations structurelles, que le Service Public de Monitoring Financier proposera pour la réformation du système national de monitoring financier, compte tenu des recommandations de MONEYVAL.

- Que le Service Public de Monitoring Financier prévoit-t-il de faire à l’issue de la vérification?

- En premier lieu il nous faut nous focaliser sur les zones qui sont jugées inefficaces. Il s’agit en particulier des secteurs de l’application des lois et judiciaire où l'on doit perfectionner notre activité liée à l'enquête et aux poursuites pour le blanchiment de capitaux et les crimes similaires.

Il faut aussi accorder une attention aux questions d'arrestation et de confiscation des revenus criminels, aux actions liées à la surveillance des représentants des marchés non financiers ainsi qu’à la création d'un mécanisme de contrôle des bénéficiaires effectifs.

Il faut aussi se concentrer sur l’opposition au financement du terrorisme, sur l'information relevant du secteur privé et sur ceux non rentables où il y a des risques.

Nous envisageons de proposer une proposition de omptabilité administrative totale et continue en matière de monitoring financier. Ce travail est très méticuleux, mais nécessaire.

En général le Service Public de Monitoring Financier a commencé à élaborer un Plan d’actions conformément aux résultats du 5ème tour de l'évaluation.

- Pouvez-vous particulariser les parties les plus dangereuses liées au blanchissement de capitaux et au financement du terrorisme?

- Le Service Public de Monitoring Financier est une Cellule de Renseignement Financier. Nous révélons des systèmes de blanchissement de capitaux suite à des délits de corruption et d'autres infractions, d'une activité économique non observée. Nous découvrons aussi des ressources destinées au financement du terrorisme. Nous investiguons les faits de blanchissement de capitaux effectués par les anciens hauts fonctionnaires. Nous révélons les personnes (et leurs opérations financières) qui peuvent être liées au financement du terrorisme ou du séparatisme. Le but principal de notre activité est la destruction des systèmes de blanchissement de capitaux et l’opposition à leur création.

- Quels modes de blanchissement de capitaux sont les plus répandus dans notre pays?

- Ils sont nombreux. On peut noter le détournement des ressources budgétaires et d'autres actifs publics, l’activité des centres « de conversion» et des entreprises fictives, le transfert illégal et la mutation illicite de ressources à l’étranger, les opérations sur des valeurs mobilières et des titres de créances négociables, la cybercriminalité et bien plus encore.

- Ces informations sont-elles accessibles au public?

- Chaque année nous mettons à la disposition du public les typologies ayant rapport aux schémas de blanchissement de capitaux et au financement du terrorisme. En 2016 nous avons rendu public le recueil de typologies pour les années 2014-2016, c’est à dire pour la période post-Révolution de la Dignité.

- Mais le secret du monitoring financier existe pourtant. N’y a t-il pas de contradiction ici?

- Bien sûr. Presque toute l'information dont s’occupe le Service Public de Monitoring Financier est à accès restreint. Nous la recevons de sources financières et non-financières, des services d’application de la loi, des organes d’investigation, des régulateurs publics et d'autres autorités publiques, auxquels il faut ajouter des renseignements reçus de la part des services d'investigations financières d'autres pays.

Cependant l’information concernant les systèmes classiques et les modes de blanchissement de capitaux doit être librement accessible.

- Par où commence t-on les investigations financières?

- On commence par les messages que nous recevons. Le traitement primaire de l’information se réalise automatiquement. Une analyse directe est effectué par le segment analytique du Système informatique unitaire du monitoring financier. Tous les messages reçus sont divisés selon leur degré de risque et soumis à l’analyse. A partir des résultats obtenus on établit un dossier pour effectuer les investigations financières. Après on collecte les matériaux. Tout ce procès est fondé sur une approche risque-orienté en prenant en considération l’expérience internationale.

- Pouvez-vous parler brièvement des résultats de travail du Service Public de Monitoring Financier au cours des dernières années?

- Je voudrais d'abord commencer par constater le fait qu’au Service Public de Monitoring Financier travaille une équipe soudée de spécialistes professionnels qui font tout leur possible pour atteindre leurs objectifs. C’est un arsenal sérieux. Chacun de nos analystes travaille sur plus de 50 dossiers d'investigations financières. En général de 2014 à aujourd’hui le Service Public de Monitoring Financier a envoyé aux services d’application de la loi plus de 2500 dossiers comprenant des soupçons de blanchissement des capitaux, de financement du terrorisme et d'autres infractions. Comme vous pouvez le voir, la charge de travail est considérable.

Ensuite, il est très important que le Service Public de Monitoring Financier ait pu maintenir sa capacité professionnelle et son indépendance dans la prise de décisions. C’est très important pour le travail de notre organisation.

-  Avez-vous des chiffres? Pouvez-vous en citer quelques uns?

- Au cours de la seule année dernière nous avons préparé et envoyé aux services d’application de la loi 712 dossiers comprenant des soupçons de blanchissement des capitaux et de financement du terrorisme. La montant total des sommes suspectées est de presque 60 milliards hryvnias. Ce sont des chiffres colossaux.

- Qu’est-ce que vous pouvez dire à propos du blanchissement de capitaux par les anciens hauts fonctionnaires?

- Au cours de l’année dernière nous avons monté 211 dossiers en lien avec d'anciens haut-fonctionnaires. La somme totale de ces opérations financières douteuses est de plus de 16 milliards de hryvnias.

C’est la suite systématique du travail commencé au mois de mars en 2014. La confiscation susmentionnée de fonds équivalents à 1,5 milliard dollars américains est le principal résultat.

- Pouvez-vous dire quelques mots sur la lutte contre le financement du terrorisme ?

- Dans cette question nous travaillons en étroite collaboration avec le Bureau de Sécurité. L’année dernière nous avons établi et envoyé plus de 70 dossiers. Nous allons augmenter notre travail dans ce domaine. En faisant une première estimation nationale des risques, nous nous sommes concentrés en particulier sur la question du financement du terrorisme et avons exposé ses conséquences éventuelles.

- A propos de l’évaluation nationale des risques. On sait que c’est un instrument intéressant dans le domaine de la lutte contre la fraude. Comment pouvez-vous commenter les résultats de la première évaluation des risques?

- Dans tout Etat, l’évaluation nationale des risques est un audit intérieur à l’aide duquel on définit les risques et les menaces liés au blanchissement de capitaux et au financement du terrorisme. Le but d’une telle évaluation consiste en une minimisation des risques révélés. Le rapport concernant la première évaluation nationale des risques a été préparé à la fin de l’année 2016 et a été mis à la disposition du public cette même année. On a voulu une information massive, y compris les renseignements statistiques, les questionnaires, les différents rapports. Nous avons fait intervenir des partenaires internationaux. L'OSCE, par exemple, a été très activement associée au processus.

- Et par conséquent ?

- On a défini 37 risques différents suite à l'évaluation. Parmi eux, il faut noter les risques de corruption, de criminalité organisée, de mouvement de fonds important, d’entrepreneuriat fictif, de financement de terrorisme, de politique défaillante des sanctions et d'autres. Le gouvernement (sur notre initiative) a approuvé un programme d’actions dirigées vers la diminution de ces risques.

- Ce n’est un secret pour personne que l’efficacité de la lutte contre le blanchissement de capitaux dépend de la qualité de la coordination interministérielle et d'une coopération informationnelle rapide. Comment estimez-vous l’état de cette coopération?

- Nous sommes les coordinateurs nationaux en ce domaine. En Ukraine il existe le Conseil de prévention et de lutte contre le blanchissement de capitaux, du financement du terrorisme et du financement et de la diffusion des armes de destruction massive. C’est un organisme consultatif du gouvernement et nous suivons son activité. Depuis sa création nous avons tenu plus d’une centaine de réunions. Nous y discutons l’information actuelle et veillons à résoudre rapidement les problèmes.

Le Bureau national de lutte contre la corruption, le Parquet Général, le Service Fiscal, le Bureau de sécurité et bien sûr la Police ont besoin de nos dossiers analytiques.

A propos, j’ai oublié de vous dire que l’année dernière nous avons soumis au Bureau national de lutte contre la corruption plus de 100 dossiers similaires.

En règle générale la coopération opérationnelle avec les services d’application de la loi se fait de manière dématérialisée mais des réunions de négociations sont organisées presque tous les jours.

- Chaque année le Cabinet des Ministres approuve des plans de lutte contre le blanchissement de capitaux. Quel est le rôle de ces circulaires gouvernementales ?

- On approuve annuellement de tels plans en Ukraine depuis 2002. Mais depuis la mise en place de l'évaluation Nationale des risques nous avons changé de manière radicale la philosophie et l’attitude de cette planification.

Du fait de l'actualisation de l'évaluation des risques tous les trois ans on a décidé de planifier des actions en vertu des résultats de l’évaluation pour un délai de trois ans également. L'actuel plan en vigueur prévoit des actions pour les années 2017 à 2019.

- Le blanchissement de capitaux et le financement du terrorisme dans la plupart des cas a un caractère transnational. Parlons plus en détails de la coopération internationale dans ce domaine.

- Quand j’ai commencé à travailler, au mois de mars 2014, j’ai déterminé cette coopération en tant qu’une des priorités principales. La révélation suite à la Révolution de la Dignité de corruption, de grande envergure existant parmi les fonctionnaires supérieurs, du détournement des ressources publics et de leur transfert à l’étranger exigeaient la mise en place d'une coopération internationale. Dès lors nous avons entamé une sérieuse coopération avec les Cellules de Renseignement Financier de la plupart des pays.

- Pouvez-vous donner des exemples fructueux de cette coopération?

- J'ai un exemple tout trouvé. Prenons l’affaire susmentionnée des 1,5 milliards de dollars américains. Dans le cadre de cette affaire nous avons coopéré avec les subdivisions d'investigations financières des Etats-Unis, de Grande Bretagne, de Lettonie, d'Estonie, de Chypre, des Seychelles, du Bélize, des Iles Vierges Britanniques, du Panama et d'autres pays.

Nous avons coopéré activement et d’une manière constructive avec la partie américaine, notamment avec sa Cellule de Renseignement Financier (FinCen) et avec le Bureau fédéral d’Enquêtes (FBI). En même temps nous avons coopéré activement et continuons à coopérer avec l’Ambassade des Etats-Unis en Ukraine. Les autorités susmentionnées nous ont aidé à révéler des opérations libellées en dollars réalisées par des non-résidents.

La coopération avec l’investigation financière lettone a également été très fructueuse. Grâce à elle nous avons découvert des comptes de compagnies non-résidentes et des mouvements de fonds sur ces comptes. De manière générale, aujourd’hui le Service Public de Monitoring Financier coopère avec 135 subdivisions d'investigations financières dans le monde.

- Existe t-il des obstacles à l’activité fructueuse du Service Public de Monitoring Financier?

- Il nous est très important de maintenir et d’accroître notre personnel qualifié. Mais il existe toujours un risque que nos collaborateurs, surtout les analystes et les spécialistes travaillant dans le domaine des technologies de l’information nous quittent et passent dans le secteur privé ou les bureaux de lutte contre la corruption où les salaires est beaucoup plus élevés. Les professionnels qui analysent des transactions multimillionnaires ont besoin de salaires correspondants. Autrement cela peut avoir une influence négative sur la qualité de travail du Service. L’année dernière on a résolu en partie ce problème (on a modifié le Budget de l’Etat) et nous avons pu augmenter légèrement le niveau des salaires.

- Est-ce le seul problème auquel vous vous heurtez?

- Bien sûr que non. Ces derniers temps la question d’actualité est le soutien informationnel ainsi que la modernisation des traitements numériques. Comprenez bien que les analystes doivent être munis d'un équipement automatisé moderne de traitement de l’information en lien avec les opérations financières sur lesquelles ils travaillent.

-  Le problème est lié aux ressources ?

- Malheureusement oui. Dans les années 2003-2008 nous avons créé un système informatique puissant et unique à l’époque. Il assure la collecte de renseignements, le traitement et l’analyse de l’information par le Service Public de Monitoring Financier. Nous utilisons ce système plus de 13 ans. Mais depuis 2009 et jusqu’à l’année dernière on ne reçoit plus aucune modification de son support technique ni aucune modernisation.

L’année dernière le problème a été en partie résolu. Nous avons reçu un important financement lié à la modernisation. A la fin de l’année dernière nous avons mis en œuvre beaucoup de choses, mais n’avons pas encore réalisé tous nos plans. J’espère que cette année, y compris avec le soutien de l’initiative anti-corruption de l’Union Européenne, nous pourrons terminer la modernisation technique et passer à l’étape de la familiarisation de nos analystes et des spécialiste en technologies de l’information aux nouveaux logiciels.

- Un petit mot sur vos projets d’avenir?

- Nous devons voir grand. Le législateur a défini que le Service Public de Monitoring Financier était le coordinateur de toutes les actions dans le domaine de la lutte contre le blanchissement de capitaux, contre le financement du terrorisme et la diffusion des armes de destruction massive. C’est pourquoi je ne peux pas me borner aux questions de l’investigation financière. Nous devons proposer au Ministère des finances et au Gouvernement des idées sur le développement de systèmes de lutte contre ces phénomènes.

- Quels sont vos plans?

- Si on parle de la question des priorités, c’est le développement équilibré de tous les chaînons du système, des services d’application de la loi ainsi que du système judiciaire, dirigés vers la découverte, l’enquête, la mise en examen et la confiscation des actifs criminels. Pour nous, en premier lieu, il s’agît des actifs liés au blanchissement de capitaux, au financement du terrorisme et aux infractions similaires.

Bien entendu, le but principal de l’investigation financière est l’activité dirigée vers la découverte et le blocage des opérations financières liées au blanchissement ou au financement du terrorisme.

Après tout il existe une Stratégie de développement de notre système jusqu’à l’année 2020. Il faut la suivre. Sur le plan conceptuel tout est déjà défini et notre but est de la réaliser et de ne pas oublier les nouveaux risques et défis. Notre point de repère est l’évaluation du Comité MONEYVAL. Dans le cadre de la Stratégie il faut faire tout notre possible pour réaliser les recommandations du Conseil de l’Europe.

- A cet effet il faut peut-être modifier la législation ? Est-ce prévu par la Stratégie ?

- Nous avons commencé par implémentation la Quatrième Directive du Conseil de l’Europe qui est prioritaire pour la législation ukrainienne. A présent que nous avons les résultats de l’évaluation de MONEYVAL, qui insistent également sur la nécessité de modifier la législation, nous allons faire tout notre possible pour améliorer le contexte juridique national.

Nous avons déjà un projet de Loi tourné vers la lutte contre le blanchissement de capitaux. Je ne veux pas commenter ses dispositions. Attendons le texte final de ce projet de loi.

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