«L’affaire» emblématique de Semena ou pourquoi la Russie a peur des journalistes qui pensent

«L’affaire» emblématique de Semena ou pourquoi la Russie a peur des journalistes qui pensent

Ukrinform
À «l’affaire d’Oumerov», l’affaire de Semena est associée non seulement par un article, mais aussi par les méthodes que l'enquête russe utilise.

Le journaliste ukrainien Mykola Semena, en restant en Crimée occupée en tant que professionnel indépendant et intransigeant, a reçu, pour la fidelité à sa profession, le verdict des serviteurs russes de Thémis: deux ans et demi d'emprisonnement conditionnellement probatoire et privation du droit de s'engager dans toute activité publique pendant trois ans.

C’est ce qui a été annoncé aujourd'hui par la réunion de la prétendue Cour de district Zaliznytchiy à Simferopol.

QUI EST MYKOLA SEMENA?

Mykola Semena est né dans la région de Tchernihiv et, après avoir servi dans l'armée, a commencé à travailler dans l'un des journaux locaux de la région de Tchernihiv. Ayant réalisé que le journalisme est sa vocation, il est entré à la faculté de journalisme de l'Université Chevtchenko de Kyiv dont il est diplômé en 1976. Pendant deux ans, de 1980 à 1982, il a fait ses études à la faculté de journalisme de l'École du parti supérieur du Parti communiste d'Ukraine. En 1982, il a déménagé en Crimée et commencé à travailler en tant que rédacteur en chef adjoint de l'un des journaux locaux à Soudak. Il a travaillé dans de nombreuses éditions en Crimée, après quoi il était un correspondant du journal russe «Izvestiya». Ensuite, à la fin des années 90, il s’est concentré sur les éditions de Kyiv, initialement à «Dzerkalo tyzhnia», puis à «Den», où le journaliste a travaillé depuis 20 ans. Larissa Ivshyna, rédactrice en chef de «Den», considère que la qualité professionnelle principale de Semena consiste en ce qu’il est «capable de penser» et de «ressentir le sujet».

Mais, comme l'indique «l’affaire de Semena», ce qui est revendiqué dans la société ukrainienne est considéré comme criminel en Russie.

Semena a été jugé pour son article dans la rubrique «Opinion» intitulé «Le blocus est le premier pas nécessaire vers la libération de la Crimée», publié sur le site de «Radio Svoboda». La publication qui représente les résultats de l'investigation et l'analyse journalistique, et qui est devenue un point de vue du professionnel, s'est transformée en objet d'une attention particulière de la part des «autorités».

Le 19 avril 2015 les agents du Service fédéral de sécurité (SFS) ont rendu visite à Mykola Semena et fouillé sa maison. Le «procureur» d’alors Poklonska a accusé le journaliste d’avoir écrit un article dans lequel il y avaient les déclarations visant à violer l'intégrité territoriale de la Fédération de Russie». Semena lui-même rejette cette accusation, car ce que le tribunal russe considère comme «incitation de l'opinion publique» est en fait l’exercice des fonctions professionnelles du journaliste et la libre expression de son opinion. Le seul problème est que le grand nom du journalisme criméen continue l'œuvre de sa vie, en refusant «d’inciter l’opinion publique» de la Crimée en faveur des autorités d'occupation.

UNE AFFAIRE DE PLUS POUR L’INTIMIDATION

C’est pourquoi «l’affaire de Semena» a été ouverte pour intimider tous les autres journalistes qui travaillent en Russie, en Crimée et en Ukraine continentale. Puisque les journalistes qui n'ont pas peur de penser, d’exprimer leur opinion et de «sonner les cloches» représentent la principale menace pour le pays-occupant.

Comme d'autres affaires ouvertes contre Tchiygoz et Oumerov, «l’affaire de Semena» est emblématique: il en sera ainsi pour chacun qui n'est pas d'accord avec les réalités de la Crimée.

À «l’affaire d’Oumerov», l’affaire de Semena est associée non seulement par un article, mais aussi par les méthodes que l'enquête russe utilise: la falsification des faits dans la traduction de son matériel.

L'avocat de Semena Alexandre Popkov a même dû déposer une requête pour l'exclusion des preuves inacceptables - des traductions de l’ukrainien et de l’anglais qui ne sont pas certifiées par un traducteur, mais par le chef d’agence de traduction Vakhtang Karamolyan qui n’était averti de la responsabilité de la dénaturation de la traduction. Popkov a également déclaré que "les traductions ne comportaient pas de passages entiers de texte".

Il est intéressant de noter que dans «l’affaire de Semena» et dans «l’affaire d’Oumerov», un expert dans le domaine de la linguistique était le même agent du SFS russe Olga Ivanova. Selon Popkov, l’expertise d’Olga Ivanova représente «une conclusion linguistique inadmissible» dans laquelle «les questions sont formulées de façon incorrecte, elles dépassent les limites de l'expertise linguistique, l'objet de la recherche est faux et la base scientifique est absente».

Selon l'expert Olena Novozhylova qui fait partie de la défense de Mykola Semena, dans la conclusion d'Ivanova «il n'y a pas de partie de recherhe, mais seulement celle introductive et des conclusions qu'elle (expert) n’argumente pratiquement pas. Ivanova s’est également avérée faible en termes de liste des sources scientifiques et de maîtrise élémentaire d'une langue dans le cadre de l'enseignement universitaire». Selon la défense, la conclusion, sous cette forme, va à l'encontre des exigences du Code de procédure penale et déshonore l'institution de l’examen médico-légal en général.

«Tout cela rend l'expert incompétent. Selon les matériaux de cette conclusion, ça vaut le coup de solliciter la récusation de l'expert", - a déclaré la défense. Cependant, comme dans le cas d'Oumerov, dans le dossier ne sont pas inclues les conclusions de la défense, mais seulement celles de la partie poursuivante.

STRATÉGIE DE DÉFENSE

Selon l'avocat Alexandre Popkov, l'un des principaux arguments de défense de Mykola Semena était le principe international de l'intégrité territoriale de la Russie.

«La stratégie de défense de Semena reposait sur le fait que, selon les principes internationaux d'intégrité territoriale, les frontières de la Russie ne comprennent pas la Crimée», a déclaré M. Popkov dans une interview à Ukrinform. Selon lui, dans la législation russe, le fait de la «Crimée russe» n'est toujours pas fixé, et donc il n'y a pas de frontière entre la région de Kherson et la Crimée. Mais il existe un traité international avec l'Ukraine sur la frontière internationale, selon lequel la frontière entre l'Ukraine et la Russie passe de la Biélorussie jusqu’à la mer d'Azov. Dans le même temps, l'article 15 de la Constitution russe déclare la prévalence des normes internationales de la loi, si elles sont contraires aux lois fédérales russes.

La Russie n’a pas d'autres documents, ni fédéraux ni internationaux, qui montrent un tracé différent de la frontière. De plus, tant selon la législation internationale que celle russe, le principe international de l'intégrité territoriale de l'État est en vigueur en Russie. Selon lui et les normes du droit international, le territoire de la Crimée fait partie de l'Ukraine.

Mais le principe international de l'intégrité territoriale de la Russie s’est également avéré impuissant dans le contexte des objectifs du SFS visant à juger coupable le journaliste ukrainien.

QUI ACCUSE SEMENA?

Les accusations contre le journaliste Semena ont été portées non seulement par les agent du SFS, mais aussi par ses collègues criméens. Comment c’est possible?

À l’époque ukrainienne en Crimée, les journalistes étaient vraiment des journalistes. Ils pouvaient choisir leurs propres médias et gagner leur vie avec la profession. Ce temps permettait à quelqu'un d’être honnête, à quelqu'un d’autre d’agir en renard ou de cultiver la rancune.           

Mykola Semena est l'un des professionnels qui allait honnêtement au fond la vérité et écrivait brillamment: tant des matériaux courts que ceux analytiques. Et aujourd'hui, contre son honnêteté portent, secrètement ou pas, des accusations ceux qui travaillaient autrefois pour les médias ukrainiens, mais qui cultivaient la rancune. Ils auraient pu simplement ne rien dire en signe de respect pour leur collègue avec qui ils travaillaient ensemble, mais ils ont préféré le calomnier.

Cependant, du côté de Semena sont l’Ukraine, des organisations internationales de journalistes, l'Union Européenne, les États-Unis. Ils appellent à arrêter la persécution de Mykola Semena. Le Centre des droits de l'homme «Memorial» l'a reconnu comme un prisonnier politique.

Le Ministère des affaires étrangères d'Ukraine a demandé à plusieurs reprises aux autorités russes de la Crimée annexée d’arrêter la persécution des journalistes ukrainiens dans la péninsule, en particulier de Mykola Semena. En août dernier, lui a été décerné par contumace à Kyiv "Un signe de respect populaire".

Mykola Semena est également devenu le premier lauréat du prix Pavel Cheremet qui a été tué en juillet 2016 à Kyiv. En étant sous caution personnelle, il n'a pas pu se rendre à la cérémonie de remise du prix à Bruxelles. Mais ses collègues ont reçu cette récompense pour lui. Ils ont également lu un message du journaliste Semena qui disait qu'il était heureux de recevoir ce prix, car Pavel Cheremet était «l'un des journalistes les plus brillants dans l'espace post-soviétique qui disait et écrivait la vérité amère que plein de gens n'aimaient pas».

Serguiy Bobrov, Kyiv


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