Son Excellence Monsieur Luc Jacobs Ambassadeur du Royaume de Belgique en Ukraine
Je dois dire que je n'ai jamais été à un poste où la relation entre l'UE et le pays tiers ait été d'une telle intensité qu'avec l'Ukraine
03.07.2018 09:56

Comment le navire d'investissement belge n'a pas coulé, même, après le conflit, commencé par la Russie dans l'est de l'Ukraine et par l'annexion de la Crimée? Pourquoi les sanctions contre la Russie sont un instument important, mais le seul? Qui est le plus grand donneur d'aide humanitaire à l'Ukraine? Pourquoi l'UE sort en plus forte et unies des crises actuelles? Quel est l'avantage de la diplomatie belge? L'Ambassadeur du Royaume de Belgique en Ukraine et diplomate avec 30 ans d'expérience Son Exсellence Monsieur Luc Jacobs a repondu à ces questions dans l'interview exclusive à Ukrinform.

LES INVESTISSMENTS DE L'OUEST A L'EST

- Il y a une longue tradition belge d'investissement en Ukraine, qui date du XIXeme siecle. Quel jugement pouvez vous porter sur les investissements belges sur une periode plus recente?

- Vous avez attiré l'attention sur l'Histoire de notre présence industrielle ici en Ukraine. Depuis l'indépendance de l'Ukraine, nous avons vu arriver et s'installer la plupart des grandes entreprises,ce que j'appelle les « Flagships » de l'industrie belge, danуs le pays. Ils ont tout de suite vu les opportunités et le potentiel de ce marché. Après l'EuroMaïdan et tous les événements qui se sont enchaînés depuis, en Crimée, dans l'est de l'Ukraine - une période que j'ai vécu ici, je suis arrivé en juillet 2014-, je dois dire que je n'ai pas eu vent de beaucoup de désinvestissement. Nos entreprises sont restées en Ukraine. Nous avons quelques entreprises qui opèrent dans la zone ATO et qui ont d'ailleurs connu une période pénible,une courte période d'occupation, par les soit-disants « séparatistes », mais qui ont survécu à cette courte période sans trop de dégâts et qui continuent de ce côté de la ligne de démarcation leurs opérations. Nos entreprises sont un peu partout dans le pays. A l'ouest et à l'est. Elles sont restées,n'ont pas quitté l'Ukraine, et je constate que nos investisseurs sont en train d'étendre leur investissements et qu'il y a même de nouvelles arrivées. La période de situation sécuritaire pénible, de chute de l'activité économique, n'a pas facilité la vie de nos entreprises mais maintenant que l'économie reprend, qu'il y a une certaine stabilité, il y a une reprise de l'activité économique sur laquelle nos entreprises peuvent surfer, aussi bien au niveau des investissements que du commerce. C'est prometteur. J'ai un sentiment positif à ce sujet.

- Depuis 2014, іl y a également un processus de réformes institutionnelles et structurelles qui a été lancé, avec un accroissement cette année, notamment dans le milieu économique. Ont-elles un impact ou auront-elles selon vous un impact pour les milieu d'investissement et d'entreprise belges ?

-Il y a un peu de tout. En ce qui concerne les réformes, il y a en effet eu d'importantes choses déjà accomplies, au niveau du secteur financier et bancaire, qui a pour une grande partie été nettoyé par la banque nationale ukrainienne. Le paysage bancaire est devenu beaucoup plus clair, notamment pour les banques étrangères. Je crois que le type de réformes qui ont le plus d'impact sur nos entreprises sont celles qui réduisent l'espace pour la corruption. On parle beaucoup de toutes les lois qui ont été adoptées et les institutions créées, mais de la manière dont nous et nos entrepreneurs perçoivent la situation,l'amélioration du climat d'affaire au niveau de la corruption ne dépend pas uniquement des institutions, mais aussi de la mentalité, de l'éthique d'affaires qui est appliquée par nos partenaires. Si on réduit le facteur humain dans le nombre de décisions qui doivent être prises au niveau d'un investissement ou des importations (je parle des douanes, des services fiscaux, des différents services d'inspection). Si on digitalise, qu'on rend transparent le processus, c'est ça qui améliore de manière très concrète et parfois spectaculaire l'environnement dans lesquels non seulement nos entreprises, mais aussi les entreprises ukrainiennes doivent fonctionner. Nous mettons l'accent sur ce que nous voyons sur le terrain et sur la réduction effective de cette espace de corruption. C'est une mesure importante. Et en jugeant d'après les commentaires et réactions que je reçois des entreprises belges, il y a encore beaucoup de chemin à faire. La bonne nouvelle c'est qu'auprès des autorités et des administration, jusqu'au plus haut niveau politique, au niveau ministériel , les portes s'ouvrent. Nos interlocuteurs nous prêtent une oreille attentive. C'est important et très positif. On a le sentiment d'être soutenus dans nos démarches. Cette tendance d'ouverture, de transparence, et la mise en place effective des réformes doit « percoler » jusque sur le terrain, aussi bien aux centres de la prise de décision qu' à la périphérie, parce que c'est la qu'opèrent nos entreprises, pas juste dans la capitale.

- Peut-on imaginer une visite officielle d'un très haut représentant du gouvernement ou du Royaume de Belgique en Ukraine ?

- La Belgique à cet avantage qu'elle abrite les autorités euro-atlantiques. Donc de nombreuses réunions ont déjà eu lieu (entre le premier ministre et le président Porochenko, en marge du sommet du partenariat oriental en mars par exemple). Le président ukrainien a même été reçu en audience par le roi Philippe. Depuis Euromaidan il y a  eu trois  visites en Ukraine de notre ministre des Affaires étrangères, dont deux en format BENELUX avec ces homologues des Pays-Bas et du Luxembourg puis du ministre des finances et des visites de parlementaires. Il existe un groupe d'amitiés belgo-ukrainien, dont les membres très actif et engagés, se sont rendus des visites réciproques régulières, à Avdiivka notamment dernièrement.  Il y a beaucoup de contacts et d'échanges. Et il faut compter aussi les nombreuses rencontres en marge des réunions ministérielles ou de chefs d'Etat ou de gouvernements (OSCE, ONU, Conseil de l'Europe). Les opportunités pour les contacts politiques se multiplient et sont bien utilisés, à mon avis. Le président Porochenko a invité notre premier ministre et nous verrons quand une telle visite pourra s'organiser. L'invitation est lancée, considérée et traitée avec toute l'importance et le sérieux qu'elle mérite.

LE VISAGE HUMAIN DU CONFLIT. L'AIDE MILITAIRE ET HUMANITAIRE DE LA PART DE LA BELGIQUE

- Du côté du soutien belge à l'Ukraine, quatre soldats des forces armées ukrainiennes ont récemment été accueillis pour effectuer leur rééducation dans des établissements de santé. En dehors du soutien politique, donc, pourriez-vous nous éclairer sur les diverses formes que prends l'aide du Royaume de Belgique ?

- Il y a trois choses. L'appartenance de la Belgique à L'OTAN en est une. Vous connaissez le rôle et le degré d'intensité de la coopération entre l'OTAN et l'Ukraine. La Belgique est partie intégrante de cela. Deuxièmement, nous avons une coopération bilatérale de longue date dans le secteur militaire, et qui se décline le plus souvent dans des échanges d'expertise dans certains domaines comme le déminage. Cela nous dirige vers l'aspect humanitaire. La Belgique est très active et apporte sa pierre au soutien massif que reçoit l'Ukraine à ce niveau, en dehors de nos contributions statutaires aux différents organismes comme les Nations Unies ou le Comité international de la Croix rouge. Sur les deux années 2016 et 2017, nous avons donné une contribution totale de 3 millions d'euros au Comité de la Croix rouge pour l'Est de l'Ukraine et avons également soutenu des équipes de déminage de l'ONG internationale HALO trust, sans oublier notre contribution à l'effort européen car l'Union Européenne, c'est souvent oublié parce que l'on se concentre sur les pays pris individuellement, mais l'Union en tant que telle est le plus grand contributeur humanitaire de l'Ukraine.

En ce qui concerne les quatre militaires qui ont été acceptés dans un hopital militaire de Belgique, c'est une idée qui a été lancée en 2014, lorsque le conflit était à son point le plus chaud. Il y a eu un premier essai de s'associer avec d'autres pays mais pour un certain nombre de raisons pratiques, cela n'a pas pu se faire. Cependant, l'idée et la disponibilité est toujours restés de notre côté jusqu'à ce que, en octobre de l'année dernière, une procédure soit mise en place pour identifier quatre cas de blessés graves pour qui une revalidation en Belgique était la bienvenue en raison des spécialités de nos instituts. Une équipe médicale est venue en Ukraine faire des diagnostiques afin de sélectionner les blessés nécessitant cette aide. C'est un projet qui a donc été conçu il y a déjà quelque temps, qui se situe dans le domaine humanitaire. Il s'agit de prêter assistance là où les techniques et l'équipement ne sont pas présents, ici en Ukraine. Nous montrons notre solidarité pour faire en sorte qu'un traitement adéquat peut être offert. Ce type d'échanges entre l'Ukraine et d'autres pays existent également, tels que l'Allemagne, la Pologne ou la Lituanie, par exemple. Nous sommes heureux de pouvoir apporter une assistance humanitaire parce que ce conflit a un visage humain. Il n'existe pas que sur des tables de négociations mais est, toujours et malheureusement, présent dans le pays et fait des victimes et des dégâts.

SECTEUR ENERGETIQUE. LES SOURCES DIVERSIFIEES ET LES INVESTISSEURS

- Il existe en Belgique une grande considération pour les énergies renouvelables et un usage important. Quelles sont les préférences belges à ce sujet ?

- En Belgique, il y a une prise de conscience que nous devons évoluer vers des énergies renouvelables. Les politiques de promotion des panneaux solaires ont eu beaucoup de succès et on est en train d'étudier également la manière dont on peut agrandir la part de l'énergie éolienne avec la construction de parcs éoliens où, entre-parenthèses, il y a des entreprises belges qui excellent, qui sont à la pointe de la technologie. Il y a une tendance à accroître la part de ces sources renouvelables mais c'est un travail qui prendra du temps. Nous dépendons toujours beaucoup de l'énergie nucléaire et la reconversion demande du temps mais c'est un point d'attention clefs et stratégique en ce moment.

- Trouvez-vous que dans le secteur énergétique, l'Ukraine ait fait énormément de progrès ?

- Je ne suis pas un gourou énergétique, mais ce que je lis dans les rapports de l'Union européenne, de la BERD, de la Banque Mondiale montre que tous les efforts faits par l'Ukraine pour réformer son secteur énergétique sont  appréciés et encouragés, mais c'est une réforme qui est loin d'être bouclée. Je parlais justement  de la corruption, de la réduction de l'espace de la corruption, du siphonnage massif des fonds du pays. Et bien c'est notamment dans le secteur de l'énergie que des progrès significatifs ont déjà  été effectués. C'est une bonne nouvelle en plus. Une double bonne nouvelle. L'Ukraine, comme d'ailleurs l'Union européenne, veut devenir plus indépendante au niveau de l'énergie, en la diversifiant ses fournisseurs mais surtout en diversifiant  les sources d'énergie, et les ressources énergétiques renouvelables jouent un rôle important dans ce débat. Les réformes que l'Ukraine a réalisées sont très importantes dans ce domaine et je vois autour de moi les premiers résultats. Il est vrai que l'on dit que les prix de l'énergie ont drastiquement augmenté en Ukraine et on n'en comprend pas les raisons, ou plutôt on ne les explique pas. Mais ce que je vois c'est que les personnes isolent mieux leur appartement, installent du double vitrage aux fenêtres, des compteurs de gaz pour mesurer leur consommation. Cela montre que l'un des aspects importants du débat qu'est cette idée d'efficacité énergétique et d'économie d'énergie, rentre dans la mentalité des populations. La Belgique fait face au même défi, avec des normes de construction de plus en plus sévères au niveau de l'empreinte environnementale et de la consommation énergétique. C'est un débat d'actualité et c'est un débat que nous partageons avec l'Ukraine et avec tous nos pays voisins.

- Donc pensez-vous que ce secteur peut attirer les investisseurs belges, aujourd'hui ou demain ?

- Dès aujourd'hui. Il y a un intérêt de la Belgique pour le secteur énergétique en Ukraine, et qui a toujours été là depuis l'indépendance de l'Ukraine. Dans le cadre de ce processus de réforme du secteur énergétique et l'ouverture graduelle du marché, vous verrez les belges se présenter. Je vois déjà des marques d'intérêt très sérieuses.

- Cela concerne le gaz, l'énergie nucléaire ?

- Tout. La Belgique est très diversifiée, du nucléaire aux technologies les plus avancées. Au niveau de l'investissement et de nos relations commerciales, nous avons une expertise et des produits de pointes, des solutions qui peuvent certainement être d'intérêt pour les Ukrainiens, et qui les intéressent.

LES SANCTIONS CONTRE LA RUSSIE – EST UN INSTRUMENT IMPORTANT, MAIS PAS LE SEUL

- Il y a quelques mois, certaines  médias russes ont relayé une rumeur selon laquelle des ports de Crimée auraient proposé de s'ouvrir à des Ports flamands et de les laisser investir à hauteur de 50 millions d'euros dans les infrastructures de la péninsule occupée ...

- Je crois que vous, en tant qu'Ukrainiens, vous savez mieux que moi juger de la valeur et du professionnalisme de « certaines médias », comme vous l'avez dit vous même. Je ne suis pas un adepte de « certaines médias » russes.  Poser la question, cest y répondre.

- L'UE a pris des mesures économiques restrictives contre la Russie en relation avec l'annexion de la Crimée. Est-ce que cela donne des résultats, et lesquels ?

- Je crois que le fait de prendre des sanctions est un acte de diplomatie internationale très important. C'est un message clair.  Prendre des sanctions n'est pas une décision facile, mais c'est montrer son mécontentement fondamental avec le cours des choses. On peut considérer le fait que ces sanctions mises en place ont été maintenues. C'est un message politique très important. Mesurer l'impact n'est pas si facile parce qu'il y d'autres facteurs circonstanciels très importants à prendre en compte (Evolution des prix du gaz, Climat économique, conjoncture plus générale). Tout cela a son influence mais je crois que l'impact est concret et le fléchissement ou non est moins important. Le fait que la communauté internationale montre très clairement son mécontentement et son attachement à l'ordre international légal est le plus important. J'aimerais dire qu'il n'y a pas que les sanctions qui permettent à la communauté internationale de faire valoir l'ordre légal. Il y a également les cas introduits auprès des tribunaux internationaux. Et on peut observer comment graduellement l'Ukraine est en train de mieux utiliser ces instruments (Cour d'arbitrage, tribunaux internationaux). C'est une arme redoutable dans le cadre de cette guerre hybride.

- Cette dernière année, nous avons observé une augmentation de l'oppression visant les tatars de Crimée. Peut-on s'attendre à de nouvelles sanctions contre la Russie?

- En effet, dans le cadre de ces violations des droits de l'Homme il faut se demander s'il n'existe pas des instrument de droit international plus efficace, s'il s'agit de violations graves des droits de l'Homme, telles que répertoriées dans  les rapports des Nations Unies, comme ceux de leurmission d'observation des droits de l'Homme, ou dans les rapports  du Conseil de l'Europe. Nous disposons, La communauté internationale dispose des « foras » pour aborder ces questions, et pour les aborder avec autorité. Il ne faut pas, je crois, nous concentrer sur un seul des outils à notre disposition, comme les sanctions. Il y en a beaucoup d'autres.

- Il y a celle des élections à venir en Belgique. De nombreuses ingérences russes sont rapportées lors de précédentes élections (USA, France …). Existe t-il, selon vous, un risque similaire pour la Belgique?

- Je crois que de manière générale, ce type d'ingérences est possible. On l'a constaté ou on le soupçonne. Le fait est qu'avec les expériences que l'on voit autour de nous,  chaque pays se pose des questions, est attentif, suit de près et est vigilant. Indépendamment de toutes élections, il y a aussi la question des cyber-attaques qui ne se focalisent pas seulement sur les élections, mais que l'on le voit également dans le monde de l'entreprise et dans d'autres sphères. Au niveau européen, à l'OTAN et dans diverses organisations internationales, on tient compte des menace possible.  Cela fait partie de notre environnement sécuritaire et fait appel à notre attention et notre vigilance.

SANG. SUEUR ET LARMES DE L'UE. LES CRISES AIDENT A RENFORCER

- Il existe une propagande importante, depuis plusieurs années, dans des pays qui ne connaissent pas forcément les migrations venant de l'extérieur. Cette propagande est souvent utilisée à des fins anti-européennes et anti-intégration. En Ukraine, la question de la migration en Europe est assez méconnue et des amalgames ont été fabriqués dessus. Comment pourriez-vous expliquer la manière dont la Belgique a vécu ces phases migratoires et ce que cela a apporté ?

- Il y a, il est vrai, un discours tenu sur les crises et l'Union européenne, qui ne serait pas à même d'y faire face. C'est une part du discours euro-sceptique, mais je dirais que l'Europe, et le projet européen ont toujours grandi et se sont toujours consolidés à travers les crises. Ici on parle de la crise migratoire mais souvenez-vous de la crise financière, la crise de la dette publique … Regarder en quel temps record les chefs politiques européens et les institutions européennes ont pu mettre sur pied un système, l'union bancaire,  qui, même s'il est sans doute perfectible, est à même d'absorber les chocs sismiques causés par les crises financières, et qui nous permet de travailler beaucoup mieux sur la prévention de ce genre de crises. Même chose pour la crise migratoire, qui appelle l'Europe et ses États membres à faire preuve des grands principes sous-jacents du projet européen, de l'Union européenne, que sont la solidarité et la subsidiarité, qui détermine le niveau les plus approprié de l’activité législatif entre l’Union et les états membres. Ces deux notions sont très importantes, aussi  dans le domaine de la crise migratoire. Lorsque l'on demande aux citoyens européens et même à ceux des pays tiers quel est l'un des grands résultats du projet européen, ils répondent la liberté de voyager. C'est l'une des grandes réussites de l'Union européenne; que les citoyens n'aient plus à faire la queue aux frontières. Les pays Schengen étaient bien peu nombreux à l'origine, cinq six je crois, dont la Belgique, toujours à la pointe de la construction européenne. Maintenant les deux espaces sont presque identiques, ce qui veut dire que cette idée, ce concept de Schengen n'était pas si farfelu. En créant un espace dans lequel les mouvements sont libres, cela induit que nous soyons également beaucoup plus attentifs à la manière dont nous organisons notre frontière extérieure et nous devon évidemment être beaucoup plus attentifs à ce qui se fait, conjointement et en solidarité, quand l'intégrité de ces frontières est mise sous pression par des vagues d'immigration. Quel doit être le message, très logique et inévitable ? C'est évidement de faire appel à la solidarité des Etats membres et de prôner une aproche européenne. Et c'est la manière dont la Belgique participe au niveau européen. Évidement c'est un débat qui est émotionnel. Et évidemment c'est un débat qui est manipulable et qui est manipulé, mais laissions-nous  pas distraire par ce type de manipulations et essayons de voir avec clarté et en tant qu'Union comment nous pouvons résoudre ce problème ensemble. Cela peut sembler très naïf, mais c'est comme ça que ça a toujours marché au sein de l'Union européenne. Est-ce que tout ce qu'elle a réalisér à toujours été facile ? Non. L'union bancaire a coûté et coûte toujours beaucoup de « blood, sweat and tears », mais ne fait-on pas de progrès ? Je pense que oui, et l'on en fait aussi du côté de notre politique migratoire.

L'UNION EUROPEENNE – L'UKRAINE: SOUTIEN COMME JAMAIS VU

- Vous ressentez donc une forte connexion entre l'Union européenne et l'Ukraine ?

- Je dois dire que je n'ai jamais été à un poste où la relation entre l'UE et le pays tiers ait été d'une telle intensité qu'avec l'Ukraine. Et je parle de 30 ans de carrière diplomatique. C'est important de voir comment l'UE s'est engagée et impliquée à l'égard de l'Ukraine dans son choix souverain. L'accord d'association n'est qu'un exemple. Pensons à l'aide macro-financière, au groupe de soutien (qui puise son inspiration dans l'accord) et toute l'assistance technique fournie à l'Ukraine par l'UE et les États membres individuellement, c'est du jamais vu.

- Depuis le 11 juin, cela fait un an que les Ukrainiens peuvent se rendre en Union européenne sans visa. Il y a t-il une augmentation du tourisme en provenance d'Ukraine ?

- Je n'ai pas de statistiques. Il est peut-être encore trop tôt pour le voir, mais la libéralisation des visas est un déclencheur pour des mouvements beaucoup plus soutenus, pour des mouvements entre les deux pays, aussi bien économiques, business et touristiques. De manière empirique, on peut voir que le nombre direct de vols entre Kyiv et Bruxelles a augmenté, presque doublé. C'est sans doute lesigne d'une circulation, d'un mouvement qui va croissant. Il faut savoir aussi que évidemment, il y a encore des freins. Le pouvoir d'achat pour les touristes ukrainiens par exemple, parce que ceux et celles qui avaient déjà les moyens de voyager avaient souvent déjà les moyens de se procurer un visa. Peut-être que là, pour vraiment pouvoir mesurer l'effet, il faut prendre en considération plusieurs facteurs. Le pouvoir d'achat, certes, mais le taux de change également. Qu'est-ce que les Ukrainiens peuvent acheter avec leurs hryvnias quand ont fait le calcul en prenant en compte le taux de change avec l'euro. Empirique, donc, parce qu'il y a ce mouvement, mais empirique aussi si je prends en compte mon cercle de contacts,  au sein duquel j'entends plus qu'avant dire que certains ont passé un long week-end en Belgique. Cela veut dire que oui, les Ukrainiens ont pris le goût du voyage. Il y a quand même cet obstacle des visas en moins.

BELGIQUE – CHAMPION DE LA RECHERCHE DU COMPROMIS

- Il n'y a pas que les lieux touristiques qui attirent les Ukrainiens en Belgique. Nombre d'entre eux vont également à la rencontre de la Culture belge. La langue est une part de cette culture et dans votre pays se mélangent le néerlandais, l'allemand et le français. Comment le pays, la communauté, vivent-ils cette situation ?

- Trois langues en effet. Un pays multilingue. Un pays qui a adopté des structures fédérales et développé une technologie de pointe constitutionnelle. Il s'agit d'une manière de s'organiser au niveau étatique qui est sans doute unique, mais très adaptée aux réalités politiques de mon pays. La solution que la Belgique a trouvé est la fédéralisation et c'est la dévolution d'importants paquets de compétences aux entités fédérées. C'était la solution pour la Belgique multilingue et multi-régionale pour donner à chaque communauté linguistique et à chaque région la possibilité de s'épanouir, de s'organiser, de définir ses propres priorités. Cela se fait bien évidement dans le cadre de l'Etat Belge, qui met en place des mécanismes de concertation parce que lorsque l'on laisse beaucoup de liberté aux entités fédérées, il faut bien sûrveiller à un minimum de cohésion au niveau politique. Cela doit faire sens. Il y a donc des mécanismes de concertation, des mécanismes de règlement de conflit, mais on travaille surtout sur la prévention : si une communauté ou un région prend une décision qui peut nuire aux intérêts de la Belgique ou d'une autre entité fédérée, ou qui irait  à alors dans ce cas un mécanisme peut-être déclenché, que nous appelons de la « sonnette d'alarme », pour dire : « Voyons messieurs dames, chefs des différentes régions, ou entités fédérées, mettons nous ensemble pour étudier ce problème. ». Tout ça est très sophistiqué, mais n'a pas été créé en un jour. Des décennies nous ont menées à ce système. Ce n'est sans doute pas un système idéal, qui répond à tout, mais c'est un système qui fonctionne, qui est propre à  la Belgique, qui répond à nos particularités, mais qui en quelque sorte pourrait parfois être considéré comme un laboratoire de ce qui se passe au niveau européen. C'est la raison pour laquelle les Belges sont les champions du compromis. C'est dans notre ADN politique.

- Le compromis serait donc le conseil que vous donneriez à la communauté ukrainienne ?

- Disons que l'art du compromis est quelque chose que nous vantons dans notre diplomatie, surtout parce que la Belgique attache un intérêt très important au multilatéralisme. Nous ne sommes pas pédants, ne disons jamais comment les choses doivent être faites. Encore une fois, au niveau de la fédéralisation en Belgique, nous parlons d'un système unique, qui n'est pas nécessairement exportable.

Mathieu Radoubé, Serge Kalugin, KYIV.

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