Vadym Tchernych, ministre de l’Ukraine aux Affaires des territoires temporairement occupés et des personnes déplacées
Nous devons offrir aux habitants de la Crimée la possibilité de trouver du travail en Ukraine
27.09.2018 09:38

À la veille du forum d'investissements «Horizons Tauriens», organisé à Kyiv par l'administration de la région de Kherson, le correspondant s'est entretenu avec Vadym Tchernych, ministre ukrainien aux Affaires des territoires temporairement occupés et des personnes déplacées, sur le thème des défis auxquels cette région est confrontée. Notre entretien porte sur le rôle de la région de Kherson dans la future désoccupation de la Crimée, sur les personnes vivant des deux côtés de la ligne de démarcation, ainsi que sur les élections, les pseudo-élections et la démocratie.

Après la désoccupation de la Crimée, la région de Kherson jouera un rôle important dans sa renaissance

- Lors de la présentation du Forum d'investissements « Horizons Tauriens», qui s'est tenue à Ukrinform, vous avez déclaré que la région de Kherson serait le futur centre qui gèrera le développement des territoires actuellement occupés, après leur retour en Ukraine. D’après vous, comment cela se passera-t-il?

 - Les infrastructures de la Crimée ont toujours été largement axées sur la région de Kherson, notamment en ce qui concerne l'approvisionnement en eau, en électricité, etc. Même après l'agression russe, cela n’a pas changé immédiatement. Par conséquent, après la désaffectation, la région de Kherson jouera un rôle important dans la renaissance de la péninsule de Crimée.

Par exemple, dans le nord de la Crimée, l'énergie est à peine suffisante pour la survie, mais insuffisante pour le développement. Alors que notre État encourage les investisseurs privés qui construisent des centrales éoliennes dans la région de Kherson. J'espère qu'au fil du temps leur puissance suffira à garantir que la Crimée pourra en profiter après son retour en Ukraine.

Il en est de même avec l'agriculture. Auparavant, la région de Kherson donnait à la Crimée un très grand volume de production. Maintenant, la Crimée est approvisionnée en produits agricoles en provenance de Russie et leur qualité est bien inférieure à ceux d’origine ukrainienne. Les produits agricoles de Kherson sont connus pour leur qualité dans le monde entier. Nous utilisons les technologies les plus avancées dans le secteur agricole, qu’il s’agisse du secteur des semences, de l’élevage, des hautes technologies de transformation, des nouvelles méthodes de travail: à partir de la composante agronomique et des principes logistiques de travail.

Les investisseurs viennent dans la région de Kherson, en particulier les investisseurs étrangers. Et ce ne sont pas que des mots: des millions de contrats ont été signés, des parcelles de terre ont été attribuées, notamment près de la frontière administrative avec la Crimée temporairement occupée. Des investissements importants sont réalisés dans les technologies de culture et de récolte économiques en énergie, l'agrochimie utilisée est telle qu'elle protège et n'endommage pas les cultures. La vinification se développe aussi activement et il s'agit d'un secteur technologique sérieux, car elle ne peut pas se développer dans les pays où la production agricole est faible. Cela signifie que dans la région de Kherson, il existe des spécialistes, des technologies de culture et de transformation, des talents pour la vente et la promotion, y compris à l’étranger.

La question du transport est également importante. La région de Kherson devrait servir de centre de transport. Par exemple, une personne du territoire temporairement occupé traverse la frontière administrative avec l’Ukraine et peut atteindre n'importe quelle ville d'Ukraine. La même chose dans la direction opposée. C’est-à-dire que l’infrastructure routière devra également se développer: la route  étroite utilisée jadis n’est plus suffisante, il nous faut une autoroute à part entière.

Nous avons une loi sur la zone économique libre de Crimée. Et je crois qu'un tel régime, pour ceux qui veulent faire du business sous des mécanismes simplifiés; ne devrait pas  être mis en place dans la péninsule occupée, mais dans la région de Kherson, en raison de sa situation particulière. Cela facilitera plus tard le retour du business en République autonome de Crimée.

La fonction sociale des entreprises en période de transition n’est pas que purement économique, mais beaucoup plus importante. Et les entreprises à vocation sociale devraient avoir des privilèges de l'État pour pouvoir retourner rapidement et fournir aux citoyens ukrainiens tout le nécessaire. De plus, à mon avis, nous devons offrir aux habitants de la Crimée la possibilité de trouver du travail en Ukraine

- Mais les occupants le permettront-ils?

- Tous les jours, des centaines de personnes, vivant dans le district de Kalantchak, allaient travailler à l’usine «Krymsky titan» en Crimée. Moi, je pense que nous devons veiller à ce que les habitants du nord de la péninsule, que les occupants ont privé de leur travail, puissent aller travailler sur le territoire ukrainien sous le contrôle du gouvernement. Premièrement, il est bien sûr nécessaire de créer des emplois pour les habitants de la région Kherson, de montrer comment la région se développe, en fait le  Forum d'investissements est organisé à cette fin. Et si de plus en plus d’emplois sont créés, je ne vois aucun problème.

À titre d’exemple, dans le Donbass, il y a des gens qui franchissent tous les matins la ligne de démarcation pour travailler sur le territoire de l’Ukraine contrôlé par le gouvernement et tous les soirs ils retournent sur le territoire occupé. Et personne ne les arrête, car il n'y a pas de travail sur le territoire occupé. Et en Crimée, ce sera la même chose, tant qu’elle est occupée. Il n'y aura pas assez de travail là-bas, à en juger par le «rythme» que les envahisseurs ont pris. Le seul emploi qui y est répandu est celui d’agent des forces de l’ordre. L’épuisement des ressources naturelles par des propriétaires d'entreprises russes qui travaillent là-bas sous le couvert des « autorités » locales, la négligence des problèmes des résidents locaux indiquent que les gens auront tôt ou tard à migrer, ou au moins à chercher un emploi ailleurs. Si les gens vivent à quelques kilomètres de la zone libre et voient que les autorités d’occupation ne leur donnent pas de travail, ils vont y aller et personne ne les arrêtera.

-- En effet, la question du retour des territoires occupés concerne non seulement le développement économique et commercial, mais également le facteur humain. Pensez-vous que, près de la frontière avec les territoires occupés, il existe encore des états d’esprit pro-russes très forts?

- Ici, je me permettrais de débattre avec vous et d’évoquer comme base nos recherches conjointes avec des partenaires internationaux. Je parle de l'indice de cohésion sociale et de réconciliation (SCORE) en Ukraine. Nous avons participé à la formation des tâches et des approches de cette étude, à l'analyse des résultats, etc. Dix mille personnes ont été interrogées dans toute l'Ukraine. Et si vous regardez l’analyse comparative des enquêtes en 2016 et 2018, nous constatons une diminution significative du groupe des «hostiles» dans les régions du sud et de l’est: actuellement, il n’y en a pratiquement plus. Ces personnes «hostiles» ont basculées dans les catégories «indifférentes» et «tolérantes». Si on parle du sud et de l'est de l'Ukraine, la dynamique est frappante.

Mais une dynamique aussi positive ne signifie pas que nous pouvons laisser la situation aller de l'avant. En collaboration avec nos partenaires de l'OTAN, l'Institut national d'études stratégiques, un « Centre pour la sécurité internationale », une organisation d'experts non gouvernementaux « Fiche de données de sécurité », notre ministère a établi un «Passeport de la sécurité» des différentes régions ukrainiennes, y compris la région de Kherson. Ce «Passeport» reflète les principaux risques en termes de sécurité, de stabilité, évoque les menaces y compris hybrides etc. L'année dernière, toutes les autorités, y compris le ministère de l'Éducation, le ministère de la Culture, ont été invitées à adapter leurs propres mesures pour répondre aux défis qui existent dans la région de Kherson. Par conséquent, le mythe selon lequel «le gouvernement ne fait rien» n'est vraiment qu'un mythe.

Le passeport a identifié un certain nombre de problèmes, dont l’exacerbation spécifique provient parfois des territoires occupés afin de créer une situation de conflit. Nous constatons cela. Et bien que la société considère que c’est au Service de sécurité de l’Ukraine de s’en occuper, en fait c'est la tâche de tous les organismes gouvernementaux. Par conséquent, l’hybridité réside dans le fait que la majorité des activités hostiles sont regroupées parallèlement dans des domaines civils et militaires. Les menaces dans les sphères civiles sont tout aussi importantes pour l'existence de la région et de l'État dans son ensemble. Par conséquent, nous surveillons la situation, nous proposons des solutions, dont certaines ne sont pas divulguées, car dans le cas contraire, la Russie réagirait aussitôt.

- La semaine prochaine, le travail des centres éducatifs «Crimée-Ukraine» et «Donbass-Ukraine» prendra fin. Combien de futurs étudiants originaires des territoires occupés ont utilisé leurs services?

- Nous ne donnerons aucun chiffre avant la fin de la campagne, à la demande du ministère de l'Éducation et des Sciences. Dès que les chiffres définitifs seront connus, nous organiserons une conférence de presse avec le ministère de l’Éducation et nous communiquerons toutes les informations. Je pense que le nombre de candidats ayant utilisé le système simplifié d'admission dans les universités ukrainiennes ne sera pas inférieur à celui de l'année dernière.

- Que sait-on à l’heure actuelle sur la situation écologique à Armyansk. Les habitants ont parlé d’une nouvelle fuite de produit chimique.

Les analyses n’indiquent rien qui pourrait prouver une nouvelle fuite. Nous surveillons également les réseaux sociaux, et depuis le 13 septembre, nous n’avons pas observé de regain d'activité semblable à celui qui a eu lieu après les évènements des 23-24 août et du 8 septembre. Au contraire, «la diffusion» provient surtout des autorités pro-russes. C'est une situation étrange: après les deux premières émissions de produit chimique, ce sont les gens qui s’exprimaient, alors que les autorités d’occupation se taisaient. En revanche, depuis les rumeurs sur la troisième fuite, la population ne dit pas grand chose, tandis que les autorités crient sur tous les toits. Par conséquent, nous suggérons que, peut-être, les autorités pro-russes sont en train de chercher un prétexte formel pour obtenir de l’argent du budget russe.

- Et sur le territoire de la région de Kherson, est-ce que des phénomènes inhabituels ont été constatés?

- Rien n'a été enregistré, à l'exception de la pollution habituelle, qui existe depuis plusieurs années. Aucun écart n’indiquait un rejet et un excès des concentrations maximales admissibles de substances dangereuses dans les districts de la région de Kherson situés de l’autre côté de la frontière administrative avec la Crimée.

- Plus tôt, lors d’une conversation avec un correspondant d’Ukrinform, vous avez parlé de la composante civile de la mission de maintien de la paix dans le Donbass, c’est–à-dire, la création d’administrations provisoires pour le rétablissement progressif de l’administration ukrainienne dans ces territoires. Après l'annonce des élections locales que les séparatistes prévoient pour le mois de novembre, le concept de retour des territoires occupés est-il en train de changer?

- Cela ne changer absolument rien. Quoi qu’il en soit, une mission internationale, ayant un mandat du Conseil de sécurité de l’ONU, devrait entrer sur ces territoires. Tout d’abord, il faudra assurer le retrait des forces, le désarmement, la soi-disant démilitarisation, depuis la ligne de démarcation jusqu’à la frontière ukraino-russe. Mais nous ne parlons pas seulement de la terre, mais aussi des citoyens qui vivent sur ce territoire. Ces pseudo-autorités, qu’ils essaient eux-mêmes de choisir, ne pourront pas administrer dans le cadre d’un tel mandat. Pendant la période de transition, ce seront des spécialistes internationaux qui gèreront les questions administratives sur ces territoires et, progressivement, la responsabilité du fonctionnement de tous les secteurs et des secteurs de l’économie de ce territoire sera transférée aux autorités ukrainiennes. C'est-à-dire que rien ne change conceptuellement.

De plus, pendant les quatre années d'occupation et d'influence russe en Ukraine, aucune autre expérience positive n'est apparue dans le monde, à l'exception de celles qui nous sont déjà connues. L’une d’entre elles est l’expérience croate de la Slavonie orientale, où exactement selon ce scénario une réintégration pacifique a eu lieu. Et une délégation de notre ministère s'est rendue en Slavonie à plusieurs reprises pour savoir comment cela fonctionne dans la pratique.

En ce qui concerne les élections sur les territoires occupés, je peux dire que ce sont des pseudo-élections, car nous savons bien que la Fédération de Russie y nommera ses propres hommes. Cette imitation d’élections est censée nous montrer qu’il existerait un «pouvoir légitime» avec lequel nous devrons communiquer. C'est-à-dire que la Fédération de Russie tente de dire que «ce n’est pas nous», tout en ayant une influence à 100% sur les «autorités d'occupation» et, le cas échéant, en transmettant le signal nécessaire à ces marionnettes.

Ensuite, ces «élections» seront une bombe à retardement « dans un règlement pacifique. Parce qu’il y a quelques jours une source russe a publié un article d’une personne de confiance de Vladyslav Sourkov, un des  principaux idéologues russes. Et l'auteur explique que le processus de Minsk ne règle que les soi-disant élections « municipales » ou « locales », alors que les soi-disant élections prévues pour le mois de novembre, connues également sous le nom de «quasi-étatiques», ne seront pas réglementées par les accords de Minsk. C’est-à-dire qu’ils nous disent: vous appliquez pleinement les accords de Minsk et élisez les autorités locales. Mais qu’allons-nous faire avec des élections «étatiques»? On va nous dire que les vainqueurs auront été élus par la population. Il s’agit d’une tentative de conduire la situation dans une impasse et de provoquer une réaction brutale de l’Ukraine.

- Et quelle est votre réaction?

-Nous l’avons déjà fait rendue publique: personne ne reconnaîtra ces élections, ni l’Ukraine, ni le reste du monde. Pour la communauté internationale, ces pseudo-élections ne sont d'aucune importance. C’est juste un scénario russe et c’est clair comme de l’eau de roche. Un autre exemple, la délégation russe a quitté le Centre conjoint du contrôle et de la coordination du cessez-le-feu et de la stabilisation de la ligne de démarcation et a voulu être remplacée par les représentants de ces pseudo-républiques. Mais nous répondons «non». Car nous savons que c’est le Kremlin qui gère ce processus.

EH

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