Sir Anthony Hooper, président du Conseil public des experts internationaux
Pour que l’Ukraine réussisse, l’Agence nationale anti-corruption, les procureurs et les nouveaux juges devraient être très efficaces
22.02.2019 15:09

Le 7 juin 2018, la Verkhovna Rada  a adopté la loi ukrainienne concernant « La Cour suprême anti-corruption ». Déjà, le 2 août 2018, la Haute Commission de qualification des juges d'Ukraine avait  annoncé un concours pour les postes de juges de la Cour suprême anti-corruption et de la Chambre d'appel de cette même juridiction.

Le Conseil public des experts internationaux est appelé à aider la Commission à constituer un nouveau tribunal. Les cinq organisations internationales avec lesquelles l'Ukraine coopère dans le domaine de la prévention et de la lutte contre la corruption ont formulé des suggestions pour la composition du Conseil, notamment: Aurelijus Gutauskas (Lituanie), Flemming Christian Denker (Danemark),  Ted Zarzeczny (Canada), Mirjana Lazarova Trajkovska (Macédoine), Lorna Harri, Sir Anthony Hooper (Grande-Bretagne).

Sir Anthony Hooper a été élu président du Conseil public des experts internationaux. Pendant plus de vingt ans, il a exercé en tant qu'avocat en Angleterre et au pays de Galles. Il était chargé des poursuites et de la défense dans de nombreuses affaires pénales, en particulier pour corruption. Pendant près de dix ans, Sir Hooper a exercé les fonctions de juge à la Cour suprême d'Angleterre et du pays de Galles. Il était également le Lord Judge de la Cour d’appel, spécialisé dans les affaires civiles et pénales. Sir Hooper a également fourni une assistance consultative sur la réforme du système de justice pénale au niveau international.

Sir Anthony Hooper a fait part de ses impressions concernant le concours à la Cour suprême anti-corruption et à l'Ukraine dans son ensemble.

- Quelles sont vos impressions sur une aventure, je dirais que c’est une aventure, que vous avez vécu ici en Ukraine ces derniers mois?

-J'ai vécu une longue vie, mais il me semble que je ne faisais rien d'aussi passionnant qu'en Ukraine. À ma connaissance, c’est la première fois dans le monde qu’un pays a invité un groupe d’experts internationaux à participer à la nomination des juges. Je suis très heureux d'être impliqué dans ce processus.

- Au début, vous aviez une communication Skype avec les membres de la Haute Commission de qualification des juges d'Ukraine, puis la réunion en Ukraine. Vos impressions sur les membres de la Commission n'ont-elles pas changé avec le temps?

- Il me semble que nous ne savions rien. Tout comme les membres de la Haute Commission de qualification des juges d'Ukraine, nous ne savions pas à quelles difficultés et quels problèmes nous allions devoir faire face. Mais j'ai réalisé que ce serait très passionnant, car personne dans le monde ne l'avait encore fait, s'impliquer pour une première expérience au niveau international fascine qui que ce soit.

- Pourquoi avez-vous accepté de travailler en Ukraine et avez-vous consulté un membre de votre famille avant de prendre cette décision?

- Bien sûr, j'en ai discuté avec ma femme. Elle a été fascinée par ce projet, tout comme moi. Elle est venue avec moi à Kyiv et là, elle est également à Kyiv depuis presque une semaine maintenant. Ma femme est également arrivée le 27 décembre, c'est-à-dire le jour où les résultats de l'examen ont été annoncés. Elle a passé 7 ou 8 jours à Kyiv et, honnêtement, je l’envie parce qu’elle avait plus de temps pour se promener que moi. Elle est tombée amoureuse de cette ville.

- Comment évalueriez-vous le travail conjoint de la Haute Commission de qualification des juges d'Ukraine et du Conseil public des experts internationaux et le résultat de ce travail?

- À mon avis, le travail en commun a été très fructueux et, comme je l'ai dit plus d'une fois, nous, membres du Conseil public des experts internationaux, avons coopéré pleinement avec les membres de la Haute Commission. Nous ne pouvions pas obtenir plus de coopération, de compréhension et d'aide que nous en avons eu. Je suis très reconnaissant à Serhiy Kozyakov, président de la Commission, au vice-président et à tous les membres de la Commission. À mon avis, ce fut un excellent travail d'équipe et une aventure passionnante pour nous tous.

- Qui parmi les membres de la Commission vous a le plus impressionné et pourquoi?

- Ils m'ont tous impressionné, mais il est évident que le président est un membre très important de la Commission et nous avons coopéré très étroitement avec lui.

- Quelle impression avez-vous sur les avocats et les juges ukrainiens?

- Je n'ai rencontré que quelques juges. Nous avons dû poser des questions aux juges que nous avions rencontrés. Je n'ai pas rencontré beaucoup d'avocats ukrainiens, il est donc difficile pour moi de faire part de mon impression générale des avocats ou des juges ukrainiens en particulier.

- Trois membres du Conseil sont des représentants du système de droit anglo-saxon et trois d'entre eux sont des continentaux. Dans cette perspective, avez-vous constaté des différences de communication avec les candidats?

- Il y a beaucoup de différences significatives. Et il est étonnant que ces deux systèmes de droit existent presque partout dans le monde. Le système de common law est utilisé dans un grand nombre de pays - Australie, Nouvelle-Zélande, Singapour, Hong Kong, Afrique de l'Est, Nigéria, Danemark, Royaume-Uni, États-Unis, Canada, Caraïbes. Lorsque nous parlons d'un autre système de droit, il est également utilisé dans de nombreux pays d'Europe, mais il constitue également la base du système de droit en Chine mais  il existe évidemment de nombreuses différences.

L'une des principales différences est peut-être que le système de droit anglo-saxon repose sur le contre-interrogatoire, sur la conviction que la vérité peut être découverte si une partie est autorisée à faire un contre-interrogatoire de l'autre partie ainsi que des témoins. En conséquence, dans le système de droit commun, une personne n’a pas le droit de faire appel, ce qui existe dans le système de droit civil. Et c'est la deuxième différence significative. En même temps, des centaines de juges travaillent dans la cour d'appel ukrainienne. En Angleterre et au pays de Galles, où la population est de 60 millions d’habitants, il n’y a que 40 juges en appel, ce qui constitue une différence importante.

- Comment se déroulent les procès en appel et en cassation au Royaume-Uni?

- Encore une fois, je tiens à dire que je ne connais aucun autre pays du monde qui serait aussi transparent à cet égard que l'Ukraine. Pensez-y : nous avons interrogé les juges actuels sur leurs biens, leurs déclarations, leurs affaires fiscales. Et tout cela peut être vu sur Youtube. À mon avis, cette situation est plutôt rare. Les compétitions ont lieu au Royaume-Uni, mais les décisions sont prises de manière privée et personne ne peut les consulter sur Youtube. Par conséquent, je félicite l’Ukraine pour cela.

- Que devrait-on faire pour accroître le niveau de confiance dans le système judiciaire ukrainien?

- C’est une question très difficile, mais j’espère que les travaux que nous avons menés dans le cadre du concours de la Cour suprême anti-corruption pourront accroître le niveau de confiance dans le système judiciaire. Mais il est toujours important de veiller à ce que les juges qui ne répondent pas aux critères d'intégrité et dont le niveau professionnel est insuffisant, ne travaillent pas à ce poste. Il reste beaucoup à faire pour réduire le niveau de corruption, mais la tâche la plus importante est de veiller à ce que le pouvoir judiciaire soit indépendant, impartial et non corrompu. Ce jour-là, le niveau de confiance dans le système judiciaire augmentera. Autant que je sache, en Grande-Bretagne, le niveau de confiance dans le pouvoir judiciaire est de 70 à 75%.

- Vous allez rester membre du Conseil public des experts internationaux pendant deux ans. Que comptez-vous faire après les sessions conjointes spéciales avec la Haute Commission de qualification des juges d'Ukraine?

- Surtout, j'ai été surpris par la jeunesse ukrainienne. Ils ont beaucoup de rêves, certains d'entre eux ont donné leur vie en 2014. J'espère que les rêves des jeunes Ukrainiens deviendront une réalité. La seconde est une chose très simple et banale: vous parlez tous très vite.

- Comment avez-vous apprécié Kyiv?

- Je trouve que c'est une ville magnifique et j'espère que tout sera fait pour préserver ces beaux bâtiments. Je ne serais pas triste de voir disparaître certains bâtiments soviétiques, mais l'architecture du XIXe siècle est magnifique. Vos églises, monastères sont extraordinaires.

- Que faudrait-il faire pour que la Cour suprême anti-corruption d'Ukraine puisse fonctionner en totalité et donner des résultats souhaités à la société?

- Je pense tout d'abord qu'il est nécessaire d'aider les juges nouvellement nommés à comprendre la législation en matière de corruption, d'enquêtes sur de tels crimes et d'éthique judiciaire. Autant que je sache, un grand nombre d'affaires doivent être examinées et nous souhaiterions que ces affaires commencent à être examinées dès que possible sans retard de procédure. Il y a des choses clés à faire: votre Agence anti-corruption devrait fonctionner très bien, ainsi que le Bureau du procureur, mais je ne sais rien à ce sujet. Et j'espère que les nouveaux juges accompliront le travail qu'ils sont censé accomplir. Pour que l’Ukraine réussisse, l’Agence nationale anti-corruption, les procureurs et les nouveaux juges devraient être très efficaces. Les affaires doivent être examinées rapidement. Il me semble qu’au cours de l’une de nos réunions communes, nous avons vu une affaire juridique qui dure depuis près de 13 ans. Compte tenu de la période de temps spécifiée, de l'arrestation à l'audience, cela n'aurait pas durer plus d'un an, bien que je pense encore moins. C'est un objectif ambitieux, mais cela prouverait à la population ukrainienne qu'il est impossible que des responsables corrompus ne soient pas traduits en justice pendant des années, qu’ils gaspillent le temps des juges. Et deuxièmement, il est nécessaire de saisir des biens appartenant à des fonctionnaires corrompus, même si un corrupteur est envoyé en prison. Au fil du temps, il sort de prison et tous ses biens sont en place. Ainsi, la justice n'a pas été faite. Ces biens doivent d'abord être gelés, puis confisqués. Et si le tribunal peut réaliser tout cela, il réussira.

Le service de presse de la Haute Commission de qualification des juges d'Ukraine

Photos : Gennadiy Mintchenko, Ukrinform.

EH

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