Le président ukrainien croit au rétablissement de la paix dans le Donbass dès cette année
À peine plus d'une année s'est écoulée depuis que Volodymyr Zelensky a créé la surprise en remportant une large victoire lors de la présidentielle en Ukraine avec plus de 70% des voix. 
26.08.2020 16:39

        "Je ne vous abandonnerai jamais," a promis lors de sa prise de fonction, l'acteur devenu homme politique.

Alors qu'il donne rarement des interviews, Volodymyr Zelensky a accordé une interview à Euronews.

M. le Président, cela fait à peine plus d'un an que vous avez remporté la présidentielle en Ukraine...

Sérieusement, déjà ? [sourire] Pour moi, c'est comme si c'était hier. Le temps passe si vite. Il y a eu de nombreuses choses à faire, il y a eu de nombreux résultats pour être honnête.

"Des défis quotidiens... Et sauver des vies"

Comment cela s'est-il passé ? Y a-t-il quelque chose qui vous a impressionné en bien ou en mal ?

Une multitude de choses. Il y a tant de problèmes différents quand on arrive au pouvoir en tant que citoyen ordinaire - et d'ailleurs, je me vois toujours comme une personne lambda -. Je vous assure que je serai toujours un individu ordinaire. Ce qui est très important pour moi, c'est que quand je ne serai plus président de l'Ukraine, je sois toujours capable de marcher la tête haute dans les rues de Kiev, mais aussi dans toute l'Ukraine. Le meilleur résultat pour moi, ce serait que les gens soient fiers de moi, mais même si ce n'est pas le cas, je voudrais au moins qu'ils me disent bonjour. J'espère qu'ils ne me diront pas des choses désagréables ou qu'ils ne me cracheront pas au visage. Car la plupart des politiciens finissent leur carrière comme cela : ils ne retrouvent pas de place dans la société à cause de la manière dont ils ont agi en politique. (...) Tout ce que je fais [ndlr : depuis un peu plus d'un an], je le fais de manière à ce que mes enfants n'en aient pas honte - et le plus important, mes parents non plus -. À part cela, en dehors des problèmes stratégiques, un président doit relever des défis quotidiens. Vous savez, dans le cas de la guerre dans l'Est, ce conflit ne fait pas de pause : la guerre, c'est du 24h sur 24, 7 jours sur 7. Tous les jours, il y a des défis et des difficultés et ils nécessitent non seulement des réponses, mais des réponses qui amènent des résultats et des avancées. Et ces avancées sont importantes parce qu'elles ont un impact sur le bilan des morts et des blessés et sur le nombre de vies que vous en tant que président de l'Ukraine, vous pouvez sauver, peu importe la manière dont vous le faites, que ce soit en passant des coups de fil ou en vous rendant sur le front. Je sais que quand je suis sur le front, ils ne tireront pas, ils ont peur. C'est pour cela que je répète à tous les membres du gouvernement ou collaborateurs de la présidence, de se rendre sur le front parce qu'il n'y aura pas vraiment de tirs à ce moment-là et c'est vrai.

Personne ne peut mettre fin à cette guerre [dans le Donbass] plus rapidement que moi

Depuis la reprise en décembre dernier des négociations en format Normandie - c'est-à-dire entre la France, l'Allemagne, la Russie et l'Ukraine - au sommet de Paris qui concernent la situation dans l'Est, vous avez dit que vous vous accordiez une année pour obtenir des résultats. Il ne vous reste plus que quelques mois. Quels progrès avez-vous déjà enregistré ?

Les choses avancent, mais pas aussi vite que ce que je pensais. Aujourd'hui, premièrement, un cessez-le-feu est en place. Deuxièmement, il y aura un nouveau sommet au format Normandie. Troisième point : il y a eu un échange de prisonniers. Nous avons trouvé un accord sur les sites de désengagement et sur 20 sites à déminer, ce qui est très important. Combien de temps faudra-t-il encore ? Je ne sais pas. Je crois que le deuxième sommet au format Normandie signifie qu'il existe une grande chance de mettre fin à la guerre. Je veux croire que ce sera pour cette année. Je veux vraiment le croire et j'y crois. Si cela ne dépendait que de moi...

Je ne veux pas vous donner de noms aujourd'hui, mais comparé à l'ancienne équipe au pouvoir, personne ne veut la fin de cette guerre autant que moi, de loin. Personne n'a fait autant que moi pour accélérer le processus et exercer une pression à cet égard. Et tout le monde peut le voir ! Et je ne pense pas qu'à nous, les Ukrainiens, nos partenaires aussi s'en rendent compte, nos partenaires étrangers... Je suis convaincu que personne ne peut mettre fin à cette guerre plus rapidement que moi. 

Les négociations en format Normandie et les pourparlers de Minsk, les estimez-vous suffisants ? Y a-t-il des options alternatives ?

Il y a toujours des alternatives. Mais il n'y a pas d'autre piste concrète qui puisse aboutir au soutien réel des quatre parties du format Normandie. (...) Je veux suivre cette voie et si cela ne fonctionne pas, nous envisagerons d'autres options.

Je n'ai pas peur d'avoir un dialogue direct avec le président russe

Le fait que vous ayez établi un dialogue direct avec le président russe Vladimir Poutine a déclenché une grande controverse en Ukraine. Quelle est la situation à l'heure actuelle ? Êtes-vous en contact avec Vladimir Poutine ?

Oui, je le suis quand c'est nécessaire. J'ai eu une discussion avec le président russe juste avant l'entrée en vigueur d'un cessez-le-feu [ndlr : à 0h01 le 27 juillet dernier]. Nous avons évoqué les questions complexes liées au respect du cessez-le-feu. Jusqu'à présent, ce dialogue aboutit à des résultats, nous le constatons. Mais ce n'est pas suffisant. Je n'ai pas peur d'avoir un dialogue direct avec le président de la Russie. Je crois que c'est la bonne chose à faire. Si nous avons la possibilité de nous parler et que les résultats de ces discussions peuvent aider à aller vers la fin de cette guerre, elles doivent se tenir, peu importe la manière dont différentes personnes ou différentes régions réagissent à cela. (...) Sans dialogue, sans coup de fil quand c'est nécessaire, on n'aboutira pas à la paix. J'en suis convaincu.

Personne ne veut parler de la Crimée au sein des parties du format Normandie

Alors que le processus de Minsk et les négociations de format Normandie concernent la situation dans l'Est de l'Ukraine, quels sont les processus et discussions au sujet de la Crimée et de son annexion ?

S'agissant de la Crimée, la situation est encore plus compliquée. J'ai beaucoup réfléchi à ce sujet ; au sein des parties du format Normandie, personne ne veut parler de la Crimée, en particulier la Russie. J'ai soulevé cette question, mais nous avons consacré tout notre temps à la région du Donbass. La Russie ne veut pas en parler et, je n'ai pas peur de le dire, c'est quelque chose que nous pouvons tous comprendre. Nous n'aurions pas dû leur laisser prendre la Crimée, c'est un gros problème. Mais aujourd'hui, nous ne pouvons pas nous en vouloir pour la manière dont cela s'est passé. Je suis sûr qu'un jour, chacun sera tenu responsable pour cela. De nombreuses personnes ont été impliquées. Reste que la Crimée, c'est notre territoire, nous la récupérerons. Mais il n'existe aucun échelon réel et efficace pour en discuter en dehors de nos négociations internationales et de nos accords avec nos partenaires étrangers qui ont abouti à des sanctions et à une pression exercée sur la Russie pour l'annexion illégale de la Crimée. Notre ancien président a assuré que les choses avançaient et que beaucoup avait été fait pour récupérer la Crimée. En effet, il y a des procédures en justice, des discussions internationales. Mais honnêtement, actuellement, il n'existe pas d'échelon solide pour mettre cette question sur la table (...) Il n'y a que les sanctions. Et je suis très reconnaissant à l'égard de nos partenaires pour ces sanctions. Nous en avons d'ailleurs discuté avec eux et ils sont en train de les amplifier. Il n'y a pas que l'Europe qui aide beaucoup, il y a aussi les États-Unis et d'autres pays. (...) Est-ce que je vais faire plus ? Oui, c'est clair.

L'Est et la Crimée sont nos territoires, ils doivent nous revenir

Est-ce une question de priorité ? La situation dans l'Est est-elle prioritaire par rapport à celle en Crimée ?

Les deux sont prioritaires. Je ne sais pas faire la différence entre ces deux situations. La seule chose concernant la situation dans l'Est, c'est que là-bas, des gens meurent. Donc pour moi, du fait de ce facteur humain, elle occupe la première place. Mais elles sont au même niveau car ces deux territoires sont les nôtres, ils doivent nous revenir.

Est-ce que ça se fera ?

Bien entendu !

Quand ?

Vous savez, c'est comme on dit parfois dans les films : vous serez la première au courant.

Les États-Unis font beaucoup pour l'Ukraine

L'an dernier, on a beaucoup prêté attention, non seulement en Ukraine, mais surtout à l'extérieur du pays, à la situation qui a concerné le président ukrainien et le président américain. Qu'en est-il aujourd'hui ? Pour vous, cela appartient-il au passé ?

Vous savez, je suis très serein par rapport à cette affaire. J'ai eu un entretien avec le président des États-Unis Donald Trump. Je lui exprime toute ma reconnaissance, à lui et à son équipe, et de manière générale, je suis très reconnaissant pour le soutien des deux grands partis américains à l'égard de l'Ukraine. Ils soutiennent vraiment notre pays et il ne s'agit pas seulement de l'aide militaire qu'ils ont renforcée et de nos entraînements militaires avec l'OTAN, nos entraînements navals, mais aussi de la manière dont ils nous soutiennent au niveau géopolitique et par le biais des sanctions. Par exemple, ils nous ont vraiment soutenu s'agissant du gazoduc Nord Stream 2. Les États-Unis font beaucoup pour l'Ukraine. Et je leur en suis vraiment reconnaissant, d'abord en tant que citoyen ukrainien et en tant que président. C'est pour cette raison que s'immiscer d'une manière ou d'une autre dans l'élection présidentielle américaine serait la plus grande erreur que pourrait faire le dirigeant d'un pays indépendant. Le choix revient aux Américains.

Il faut une attitude 100% claire de l'Union européenne à l'égard de l'Ukraine

Parlons à présent des liens entre l'Ukraine et l'Union européenne. Dans une vidéo-conférence qui a réuni l'UE et les dirigeants des pays du Partenariat oriental, vous avez dit : "L'Ukraine exige l'adhésion à part entière à l'Union européenne et le partenariat actuel n'est pas suffisant." Pensez-vous que d'une certaine manière, l'Union européenne garde ses distances ?

Je crois que l'Union européenne veut que l'Ukraine soit sa partenaire et qu'elle veut que l'Ukraine la rejoigne. Il y a des États membres qui ne sont pas de cet avis, c'est vrai, mais ce ne sont pas tous les États membres. Il me semble qu'ils n'ont pas confiance à 100% dans l'Ukraine. Deuxièmement, je pense que l'Europe se montre prudente à l'égard de la Russie parce que celle-ci montre qu'elle ne veut pas d'une Ukraine pro-européenne. La Russie et l'UE mènent leurs propres affaires, ont leur relation propre et il y a aussi les relations des différents pays avec la Russie. Mais on voit aujourd'hui comment l'UE agit avec les sanctions, comment elle nous soutient, même si cela lui fait perdre de l'argent du fait des sanctions à l'encontre de la Russie. Je remercie les Européens pour cela. Je pense que ce qui est important pour la population ukrainienne, c'est de savoir si l'Union européenne a une attitude 100% claire à l'égard de l'Ukraine. Et j'ai posé la question à de nombreux dirigeants européens. Je leur dis : _"Il faut dire aux Ukrainiens ce que vous voulez qu'ils fassent, étape par étape, pour rejoindre l'Union européenne." _Et quand les Ukrainiens auront cette réponse, les Européens verront combien de temps il leur faut pour mettre les choses en œuvre, s'ils sont capables de faire tout ce qu'il faut et à quelle échéance ils y arriveront. (...) L'Ukraine, mais aussi l'Union européenne ont besoin [de cette réponse] dès à présent. Au-delà de savoir si l'Europe veut de nous et si nous voulons en faire partie, nous devons simplement devenir le pays que l'Europe veut vraiment intégrer et alors, personne n'aura de doute et l'Ukraine décidera de ce qu'elle veut faire.

Après une nouvelle élection au Bélarus, "plus personne ne se poserait de questions"

La contestation au Bélarus est de plus en plus souvent comparée à la révolution qui a eu lieu en Ukraine il y a quelques années. Y a-t-il des similitudes selon vous ? Et jusqu'à quel point ?

Je ne souhaite pas aux Bélarusses de vivre les mêmes événements que nous avons connus en 2014. Je ne veux pas qu'il y en ait qui meurent, qu'on leur tire dessus et qu'il y ait un bain de sang causé par le gouvernement. C'est pour cette raison que je ne souhaite pas à la population bélarusse de vivre la même chose. Deuxième point : je crois vraiment qu'il n'est pas trop tard pour que les autorités et la société civile entament un dialogue et que tout cela s'achève d'une manière ou d'une autre. Ce n'est pas une question de résultat, mais de méthode pour parvenir à un résultat. Cette méthode ne doit pas être entachée de sang. Et la troisième chose - et je ne m'exprime pas en tant que président de l'Ukraine -, c'est que je ne veux absolument pas intervenir dans l'élection au Bélarus et je ne le ferai pas. L'Ukraine n'interviendra pas. Il s'agit de la politique bélarusse. Mais si on me demandait ce que je ferais, eh bien...

Que feriez-vous si vous étiez Alexandre Loukachenko ?

Imaginons que j'ai confiance en moi, j'ai confiance dans le vote du peuple. Je suis quelqu'un de confiant. Comment pourrais-je calmer les esprits ? Il est clair que je dirais : "Dans un mois, organisons de nouvelles élections", je me présenterais à ce nouveau scrutin et j'inciterais tous ceux qui le souhaitent à se présenter. J'inviterais tout le monde, tous les observateurs internationaux, les Allemands, les Ukrainiens, les Russes, les Kazakhs, les Azéris, les Américains, les Français... Et je dirais au peuple bélarusse : "S'il vous plaît, votez pour qui vous voulez !" Et une fois le résultat de cette élection connu, plus personne ne se poserait de question. J'en suis persuadé. Si Alexandre Loukachenko l'emportait, il resterait président. Si quelqu'un d'autre gagnait, il accéderait au pouvoir. Mais après ce scrutin, tout le monde aurait retrouvé son calme, il n'y aurait pas d'effusion de sang, l'élection serait équitable et historique.

eh

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