Roman Souchtchenko: J’ai un «pourquoi», mais les livres m’aident à pouvoir résister à tout «comment»

Roman Souchtchenko: J’ai un «pourquoi», mais les livres m’aident à pouvoir résister à tout «comment»

Ukrinform
Comment ça se passe avec les livres pour Souchtchenko, là-bas, à Lefortovo, qu’est-ce qu’il lit, quelles pensées il a à cet égard

Auparavant, j’ai communiqué avec mon collègue Souchtchenko uniquement pour des questions d'affaires, dans les réseaux sociaux, en matière de discussion de certains matériaux communs et de délimitation, à cet égard, des «domaines de responsabilité».

Mais j'écris beaucoup sur les affaires des prisonniers politiques ukrainiens. Roman est devenu l'un d'entre eux. De ses parents, de son avocat Feyguine, j’ai appris qu'il était un grand bibliophile. Ça me tient à coeur. En toute amitié, il est intéressant de savoir comment ça se passe avec les livres pour Souchtchenko, là-bas, à Lefortovo, qu’est-ce qu’il lit, quelles pensées il a à cet égard.

 J’espère bien que la réponse de Roman Souchtchenko, membre de l’équipe d’Ukrinform, sera intéressante non seulement pour moi:

« Bonjour, cher collègue!

Alors, les livres ... Ils n’étaient pas toujours respectés et honorés par nos pairs qui sont nés et ont grandi dans l'Union Soviétique. La popularité du mot imprimé a été maintenue par la contrainte. Le diktat du programme scolaire obligatoire (saignements du nez, mais il fallait au cours des vacances d'été lire des dizaines de livres ennuyeux) et des «talents» pédagogiques renforçaient l’antipathie. À l’époque, nos relations n’ont été maintenues qu’au prix des efforts.

Un vrai attachement aux livres est venu grâce aux romans policiers, à la science-fiction et aux romans d’aventures. Ce sont les textes de Scott, Hugo, Doyle & Co qui sont responsables de la réussite d’un conteur talentueux des camps de pionniers d'été (indiscret, mais vrai). Diverses préférences littéraires, elles sont venues quand j’étais étudiant. Elles m'ont aidé à gagner le cœur de ma bien-aimée ...

Revenons donc à la cellule. Voilà plus de huit mois que ma vie a changé de façon spectaculaire. La première semaine de la quarantaine, mon cerveau haïssait la matinée. Elle me rappellait que la nuit a une qualité de se terminer et il faudra encore faire face à mes pensées. Dans ce tourbillon de choc, d’horreur, de suspense, d’absurdité, de tristesse, d'impuissance, de désespoir, de haine et d’outrage, le livre est devenu une bouée de sauvetage qui me permettait de sortir progressivement à la surface.

Mes premiers sauveteurs de prison ont été «Requiem au convoi PQ 17» de Valentine Pikul et «Sicilien» de Mario Puzo. Dix jours plus tard, j’ai reçu un catalogue de la bibliothèque locale. La liste des livres est intéressante, plus de dix mille. Des éditions des auteurs classiques des années quarante du siècle dernier ont été proposées en tant qu’apéritif, pour le dessert j’ai eu des best-sellers modernes. L'appétit renforce.

Mon premier choix est tombé sur le prix Nobel Ivo Andric avec son «Pont sur la Drina», sur Lyudmila Ulitskaya et sur Doyle russe d’origine géorgienne, demeurant en France, Grigoriy Tchkhartishvili (Boris Akounine). Soit dit en passant, le rédacteur en chef d’Ukrinform m’a chargé d'interviewer Akounine. Le maître travaille à Saint-Malo, à quatre cents kilomètres au nord-ouest de Paris. Mes tentatives n’ont pas été couronnées de succès. À ma honte, ses talents littéraires, je ne les connaissais que du cinéma. Maintenant, la situation est différente: dans mon actif il y a vingt-cinq œuvres d’Akounine.

C’est étonnant, mais sur les étagères poussiéreuses de la bibliothèque de Lefortovo il y a des traductions en russe des auteurs classiques ukrainiens. Notamment, "Tronka" et "Les portes-drapeaux" d’Oless Gontchar, "Les gens de prairie" et "Le lointain de prairie" de Yuriy Dold-Mykhaylyk, des romans et nouvelles d’Ivan Le et de Mykhaylo Kotsubynskiy, des romans de Mykhaylo Stelmakh et de Pavlo Zagrebelnyi.

Mais en premier lieu, j’ai pris des nouvelles d'Ivan Franko de l’édition en dix volumes qui m’a été transmise par des amis. En plus de «Boryslav rit» et «Zakhar Berkout » que je connais depuis mes études à l’école, m’ont impressionné «Les jumeaux», «Boa Constrictor », «Le carrefour» et « Pour l'amour du foyer familial». L’héritage du Tailleur de pierre s’est montré un trésor. Franko m'a beaucoup aidé tant en termes de compréhension de l'art littéraire, de l'histoire, que dans la recherche de nouvelles significations. Ma captivité a acquis peu à peu un sens et un but.

Mon existence s’est remplie de nouvelles couleurs, quand mon ami Dmytro a acquis et m’a transmis à Lefortovo plus de quarante best-sellers mondiaux. M’ont touché au vif les anciennes légendes des dieux américains de Neil Gayman, les histoires fascinantes de Grisham et Grange, de Renée Knight et de Paula Hawkins. Un petit détail envoûtant a été la trilogie de Stieg Larsson. Les romans policiers et la fiction ont remplacé la classique qui coloriait mon monde spirituel, la fiction me distraiyait des pensées sombres. C’est avec un sourire que j’ai lu huit cent quarante une page du hit le plus populaire parmi les prisonniers «Shantaram» de Gregory Roberts. Et comment vivre sans Remarque, Reverte, Marquez?

Maintenant, en tant que repas chaud dans ma cellule m’attentent «Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur» de Harper Lee, «L'élégance du hérisson» de Muriel Barbery, «Des fleurs pour Algernon» de Daniel Keyes, « La mort des Titans » de Ken Follett, « L'aide» de Kathryn Stockett. Pour le dessert, je vais laisser "L’herbe chante" de Doris Lessing et "Le chocolat" de Joanne Harris. Donc, il y a de la nourriture spirituelle pour 2-3 mois, et c’est plus qu’assez.

Oleg, j’ai un «pourquoi», mais les livres m’aident à pouvoir résister à tout «comment».

Roman Souchtchenko. Le 19.06.2017

Oleg Koudrine


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