La Russie mobilise de force des citoyens ukrainiens vivant dans les territoires occupés

  Les autorités russes continuent d'enrôler des civils ukrainiens dans les zones occupées ou de tenter de les enrôler de force, y compris ceux qui sont en détention, dans l'armée russe, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui

 La pratique russe consistant à contraindre les résidents ukrainiens des zones occupées à servir dans ses forces armées constitue un crime de guerre.

« Les autorités russes forcent ouvertement et illégalement les hommes des zones occupées d'Ukraine à se battre contre leur propre pays », a déclaré Hugh Williamson, directeur de la division Europe et Asie centrale à Human Rights Watch. « Moins visible est leur pratique consistant à faire pression sur les civils ukrainiens en détention, qui n’ont nulle part où se cacher ou fuir, pour qu’ils rejoignent les forces russes.»

Human Rights Watch a interrogé par téléphone trois hommes en détention provisoire dans certaines parties de la région de Donetsk actuellement sous occupation russe. Tous trois ont déclaré qu'ils étaient détenus là-bas avant l'invasion à grande échelle de la Russie en février 2022, et que les responsables militaires de la soi-disant République populaire de Donetsk avaient tenté de faire pression sur eux pour qu'ils rejoignent les forces dites de la DNR, en recourant à l'intimidation, aux menaces, et la propagande. Les hommes ont également déclaré que la pression s’était intensifiée ces derniers mois. Une avocate ukrainienne représentant l'un des hommes a déclaré à Human Rights Watch qu'elle était au courant d'au moins 11 cas similaires.

En octobre, les autorités russes ont lancé leur campagne de conscription d’automne, qui incluait les parties occupées par la Russie des régions ukrainiennes de Kherson, Zaporijjia, Donetsk et Louhansk. En septembre 2022, le président Vladimir Poutine a signé un décret prétendant annexer ces zones occupées, à la suite de simulacres de « référendums » avec des votes organisés à la hâte, parfois sous la menace des armes. En septembre 2022, les autorités russes ont annoncé une « mobilisation partielle » en Russie. La Russie a officiellement intégré les forces armées de la République populaire de Donetsk et de la République populaire de Louhansk dans l’armée russe en octobre 2022.

À partir de septembre 2022, la Russie a mobilisé les habitants de Crimée dans les forces armées russes. Durant la mobilisation, les autorités d'occupation ont distribué environ 20 000 à 25 000 avis d'enrôlement en Crimée, selon le bureau du représentant permanent. Les militants des droits de l'homme de Crimée estiment que, dans certaines régions, 90 pour cent des convocations ont été remises aux Tatars de Crimée. La Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe a déclaré, dans son rapport d'avril, que des unités de mobilisation russes avaient visité des zones densément peuplées de Tatars de Crimée et qu'au moins 1 500 convocations avaient été remises aux Tatars de Crimée.

Le droit international humanitaire interdit explicitement à une partie à un conflit armé de contraindre les résidents des territoires qu’elle occupe ou contrôle effectivement à servir dans ses forces armées ou auxiliaires. Le Règlement de La Haye de 1907 interdit à la Russie d’obliger les ressortissants ukrainiens à participer à des opérations militaires dirigées contre leur propre pays. En vertu de la Quatrième Convention de Genève de 1949, il est également interdit à la Russie toute « pression ou propagande visant à obtenir l’enrôlement volontaire ». Ces interdictions sont absolues et leur violation peut constituer un crime de guerre.