Commission de Venise : le projet de loi sur la responsabilité des agents publics pour les déclarations de patrimoine erronées est conforme aux obligations internationales de l’Ukraine

Dans l’avis conjoint urgent publié ce jour, la Commission de Venise et la Direction générale des droits de l’homme et de l’État de droit du Conseil de l’Europe saluent la réintroduction de la peine d’emprisonnement dans le Code pénal pour la catégorie la plus grave d’infractions liées aux déclarations de patrimoine, ainsi que l’augmentation du montant des amendes.

Cet avis a été publié sur le site de la Commission de Venise.

Il est à noter que l’aggravation des sanctions doit s’accompagner d’un renforcement des institutions et mécanismes anti-corruption.

Cet avis a été demandé par le président de la Verkhovna Rada le 12 mars 2021. Il examine le projet de loi du 27 janvier 2021 modifiant certaines dispositions du Code des infractions administratives et du Code pénal (CP) ukrainiens concernant la responsabilité des agents publics pour déclarations de patrimoine erronées. Ce projet de loi cherchait à remédier à la situation créée par la décision controversée de la Cour constitutionnelle d’Ukraine d’octobre 2020. Cette décision rendait le mécanisme de déclarations de patrimoine largement ineffectif et avait ensuite été critiquée comme étant insuffisamment motivée par la Commission de Venise. En décembre 2020, une loi a été adoptée qui rétablissait la responsabilité pénale, mais pas l’emprisonnement, pour des déclarations de patrimoine erronées et pour toute absence de déclaration.

Le projet de loi en question, présenté par le Président Zelenskyy, propose d’accroître la responsabilité des agents publics qui soumettent des déclarations de patrimoine erronées et d’abaisser le seuil qui sépare les affaires de gravité moyenne des affaires les plus graves. Si le projet de loi réintroduit la peine d’emprisonnement d’une durée maximale de deux ans pour les cas les plus graves, une certaine catégorie d’infractions demeure toutefois dépénalisée. Ainsi, de l'avis de la Commission de Venise, ce projet de loi n'est pas contraire à la décision de la Cour constitutionnelle.

Le projet de loi est également conforme aux obligations internationales de l'Ukraine. Le droit international exige qu’un système de déclarations de patrimoine soit mis en place et soit soutenu par des peines dissuasives adéquates. Il est certes difficile de définir une amende ou une peine d’emprisonnement qui représenterait une « moyenne européenne » dans ce type d’affaires, mais la réintroduction de l’emprisonnement pour les infractions les plus graves semble être une avancée judicieuse, en particulier compte tenu de l’ampleur du problème de la corruption dans le pays. C’est également conforme aux précédentes recommandations de la Commission de Venise en la matière.

« Il est toutefois regrettable que l’aggravation proposée des sanctions ne soit applicable que lors du prochain cycle de déclaration (1er avril 2022). En conséquence, les agents publics qui n’ont pas soumis de déclaration ou ont transmis des informations erronées ne seront tenus responsables qu’en vertu des dispositions actuellement en vigueur, moins sévères, et l’effet positif de l’aggravation des sanctions ne se fera sentir que l’année prochaine », constate la Commission de Venise. L’une des solutions pourrait être d’obliger les agents publics à soumettre des déclarations de patrimoine complémentaires conformes aux nouvelles règles dans le courant de cette année encore (ou de confirmer la validité de la déclaration déjà soumise).

Le projet de loi propose plusieurs autres amendements plus techniques des textes des codes administratif et pénal : il précise en particulier que toute personne qui a commis ce type d’infractions ne pourra se soustraire à sa responsabilité pénale en invoquant son « repentir sincère ». La période de prescription est automatiquement étendue à trois ans comme conséquence de ces amendements. La Commission de Venise salue aussi les changements proposés.

« Alourdir les sanctions peut être nécessaire, mais ce n’est pas suffisant si les institutions anti-corruption ne fonctionnent pas correctement », souligne la Commission de Venise. Elle encourage les autorités ukrainiennes à continuer de renforcer ces institutions et mécanismes.

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