Des civils ukrainiens pris au piège des drones et des bombardements
Les drones, utilisés à la fois pour la reconnaissance et les frappes de précision, sont devenus une composante centrale des offensives russes. Leur multiplication sur le champ de bataille a transformé le quotidien des Ukrainiens : les alertes aériennes sont quasi constantes, y compris loin des lignes de front.
Dans la nuit de jeudi à vendredi, une fillette de sept ans est morte à l’hôpital à la suite d’une frappe de drone dans la région centrale de Vinnytsia. Son décès, parmi tant d’autres, illustre la brutalité d’une guerre où les civils restent les premières victimes.
Selon l’OCHA, environ 3 000 personnes vivent encore dans des zones proches de la ligne de front, notamment dans les oblasts de Donetsk, Zaporijjia et Kharkiv. Privés d’électricité, d’eau et de soins médicaux, ces habitants survivent dans des conditions extrêmes, exposés quotidiennement aux bombardements et aux combats urbains.
« Les civils qui n’ont pas pu partir sont souvent âgés ou à mobilité réduite. Ils vivent dans des immeubles détruits, sans chauffage ni eau potable, dans un climat de peur permanente », a précisé Matthias Schmale, Coordonnateur résident et humanitaire de l’ONU en Ukraine.
Des évacuations continues mais un avenir incertain
Face à cette situation, les opérations d’évacuation se poursuivent. Depuis le début de l’année, plus de 57 000 personnes ont demandé une aide humanitaire dans les centres de transit mis en place par les autorités ukrainiennes et les agences de l’ONU.
Le mois d’août a été particulièrement critique, représentant près de 20 % des évacuations enregistrées sur l’ensemble de l’année.
Mais ces déplacements massifs posent d’autres défis. Beaucoup des déplacés internes se retrouvent sans emploi, sans logement stable, et dépendent de l’aide internationale pour survivre. Pour les plus vulnérables, l’hiver à venir s’annonce particulièrement difficile.
Les hôpitaux, cibles récurrentes des frappes russes
Les infrastructures médicales, censées être protégées par le droit international humanitaire, ne sont pas épargnées. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a recensé 364 attaques contre des établissements de santé entre janvier et octobre 2025, un chiffre qui témoigne d’une dégradation alarmante de la situation.
Le dernier incident majeur remonte à mercredi : un hôpital pédiatrique de Kherson a été gravement endommagé par un bombardement, blessant trois enfants et trois membres du personnel soignant. Le lendemain, la fillette de Vinnytsia a succombé à ses blessures.
Ces attaques compromettent gravement la capacité du pays à fournir des soins de base, notamment dans les régions proches du front, où les structures médicales fonctionnent souvent sans électricité et avec un personnel réduit.
Une crise énergétique qui menace de s’aggraver avec l’hiver
Alors que les températures commencent à chuter, les attaques russes contre les infrastructures énergétiques font craindre une nouvelle catastrophe humanitaire.
Ces frappes visent systématiquement les centrales électriques, les stations de distribution et les installations de chauffage urbain, plongeant des villes entières dans le froid et l’obscurité.
« Nous sommes très inquiets pour les habitants des immeubles de grande hauteur dans les villes proches du front », a averti M. Schmale.
« Si ces attaques se poursuivent, cela pourrait se transformer en crise humanitaire majeure. »
L’ONU redoute une « crise dans la crise », alors que les destructions cumulées compromettent l’approvisionnement en électricité, en eau et en chauffage pour des millions de personnes. Dans la région de Soumy, la ville de Chostka — environ 40 000 habitants — a subi de longues coupures de courant en octobre, après une attaque massive contre le réseau énergétique.
Une stratégie de terreur assumée
Selon les Nations Unies, la campagne russe contre les infrastructures civiles semble avoir un objectif clair : affaiblir la résistance ukrainienne en terrorisant la population.
« La destruction systématique des capacités de production et de distribution d’énergie à l’approche de l’hiver a un impact direct sur la population civile et s’apparente à une forme de terrorisme », a dénoncé le coordinateur onusien.
Les frappes récentes comptent parmi les plus intenses depuis le début de l’invasion à grande échelle, en février 2022. Lors d’une seule vague d’attaques, 705 munitions ont été déployées sur le territoire ukrainien, visant principalement les infrastructures critiques.
« Aucun endroit n’est sûr »
Pour M. Schmale, la conclusion est sans appel : « Les frappes incessantes dans tout le pays donnent l’impression qu’aucun endroit n’est sûr. »
Le diplomate, qui réside à Kyiv depuis un an et demi, a également mis en avant l’impact psychologique de la guerre sur la population.
« Après tant de mois de bombardements, je ressens et constate que la détresse psychique s’aggrave. Les gens vivent dans la peur permanente, souvent sans perspective de retour à une vie normale », a-t-il confié.
Malgré ces conditions dramatiques, les agences humanitaires de l’ONU, en coopération avec les autorités ukrainiennes et les ONG locales, poursuivent leurs efforts pour fournir de l’aide d’urgence : abris temporaires, chauffage mobile, nourriture et soutien psychologique. Mais leurs capacités restent limitées face à l’ampleur des besoins.
Une guerre de plus en plus destructrice
Le conflit en Ukraine s’enlise dans une phase où la technologie — drones, missiles de précision, guerre électronique — redessine le visage de la guerre moderne, tout en amplifiant son coût humain.
La population civile, épuisée, paie le prix fort de cette guerre sans fin, où la survie quotidienne dépend désormais autant des générateurs que de la chance.