Pavlo Fedossenko, Héros de l'Ukraine :
Après la Victoire, je veux marcher avec ma brigade de Kharkiv à Tchougouiv
14.06.2022 17:50

« Le 24 février, à 4 heures du matin, des explosions ont retenti à proximité de notre unité militaire. Il s'agissait de tirs de missiles lancés par la Fédération de Russie. Et j'ai immédiatement reçu un appel du commandant en chef des Forces armées ukrainiennes, qui a dit : « Tiens bon ! Bats-toi ! » J'ai répondu : « À vos ordres ! ». J'ai tout de suite donné l'ordre de prendre des positions de tir et de commencer la défense ».

Ce sont les premiers instants de l'invasion russe à grande échelle dont se souvient le Héros de l'Ukraine Pavlo Fedossenko, commandant de la 92e brigade mécanisée séparée Ivan Sirko. C'est sous sa direction que les unités de la brigade ont assuré la défense de Kharkiv et mènent actuellement une contre-offensive, repoussant l'ennemi à la frontière de la région de Kharkiv.

« Tout le monde se battait pour Kharkiv : militaires et civils »

Pendant les trois premiers jours, nous avons combattu dans la zone allant de la frontière administrative des régions de Kharkiv et de Soumy à la frontière administrative des régions de Kharkiv et de Louhansk. C'était la ligne de responsabilité de notre brigade. L'adversaire avait un avantage significatif, mais cela ne nous a pas arrêtés. Nos unités étaient engagées dans des hostilités actives et elles ont détruit beaucoup de matériel et d’effectif ennemis.

Ensuite, nous avons reçu l'ordre de défendre le périmètre de Kharkiv. La nuit, les unités se sont regroupées et le matin, elles se sont déplacées vers des positions défensives le long de la rocade. À ce moment-là, les Russes étaient déjà à Kharkiv. Il y avait des combats de rue dans la ville. Tout le monde se battait pour Kharkiv : militaires et civils, unités des forces armées ukrainiennes, de la défense territoriale, la Garde nationale, la police et des volontaires. L'ennemi se faisait rosser littéralement dans chaque rue.

« Il ne faut pas sous-estimer l'ennemi. Mais on peut et il faut le battre »

Je me souviens qu'ils annonçaient à la radio que les Russes avaient percé de Pissochyn sur une route de contournement à travers les bois. J'entends à la radio : « Ils se déplacent en camions ». J'ai alors donné l'ordre : « Avertir tout le monde ! Arrêtez tous les camions, car l'ennemi est à l'intérieur ». Je dis ça et je vois des camions passer à côté de moi à grande vitesse – un, deuxième… L'ordre suivant était : « Au feu ! » Ensuite, nous avons chassé les Russes de la ville. Ils se sont enfuis très rapidement.

Il était extrêmement important de prendre l'initiative dans les dix premiers jours, et nous l'avons fait. Nous avons chassé les Russes de la ville, nous nous sommes bien installés et c'est tout – ils ont perdu le moment de soudaineté et ont réalisé qu'ils ne pouvaient plus se rendre en ville. Je dirai ainsi : peut-être qu'à ce moment-là, tout le monde a senti pour la première fois que l'armée russe n'était pas aussi terrible qu'elle paraissait. Bien sûr, il ne faut pas sous-estimer l'ennemi. Mais on peut et il faut le battre. Lorsque nous avons renversé la situation et commencé à attaquer, les combattants se sont sentis confiants dans leurs capacités. En revanche, les forces ennemies ont été démoralisées, car elles ont finalement perdu l'espoir de mettre fin à la guerre rapidement, tranquillement et sans résistance.

« Les Russes sont une armée de barbares »

Que puis-je dire de nos ennemis ? Je ne vais pas les louer à coup sûr. Ce sont des maraudeurs, des clodos. Nous avons vu les vestiges de leurs positions capturées, les postes de commandement et d'observation de leurs bataillons sont terribles. Ils gardaient les blessés, mangeaient et allaient aux toilettes au même endroit. Lorsque nous avons chassé les Russes de Tsyrkouny, par exemple, ils y ont laissé leurs blessés, leur personnel, mais ont chargé des machines à laver sur leur matériel militaire, etc. et se sont enfuis avec cette ferraille pillée vers la Russie. Il n'y a aucun respect pour eux. Les Russes sont une armée de barbares. Mais je voudrais dire à leurs commandants d'enlever leurs lunettes roses et de regarder autour d'eux. Nous gagnerons de toute façon. Parce qu'ils se battent pour Poutine, et nous nous battons pour notre Patrie.

« Nous avons besoin de chars, de défense aérienne et d'artillerie à longue portée »

Les troupes régulières russes se battent vilainement. Et ils le font avec le nombre maximum de chars et d'artillerie, dépassant nos capacités des dizaines de fois. Dès le début, ils utilisaient tout ce qu'ils avaient : avions, hélicoptères, chars, Buratino, comme ils l'appellent, et artillerie de toutes sortes.

Mais nous avons tenu et appris à nous défendre contre toute frappe. Maintenant, nous utilisons tous les types de combats : défense de manœuvre, actions offensives, raids. Et pour leur mise en œuvre efficace, il faut autant d'armes que possible. Nous utilisons avec succès et professionnalisme les systèmes antichars NLAW et Javelin, les systèmes antiaériens portables Stinger et Piorun fournis par nos alliés internationaux. Mais il en faut encore plus. Toutes les unités doivent avoir le nombre maximum de ces armes. De plus, nous avons besoin de chars et d'artillerie à longue portée. Et plus il y a de munitions, mieux c'est.

« Si nous n'avions pas confiance en l'équipe, nous n'irions pas de l'avant et ne nous battrions pas »

La brigade est une deuxième famille pour moi. J'y ai mis mon cœur et mon âme. Je passe presque tout mon temps dans l'unité, avec mes subordonnés. J'ai personnellement sélectionné les commandants de bataillon et communiqué avec eux. Je leur fais entièrement confiance et je sais qu'ils accompliront la tâche quoi qu'il arrive.

Au début de l'invasion à grande échelle, il y avait un exemple révélateur. Nous venons de déplacer le poste de commandement de la brigade et de commencer à gérer des unités. Et je dis le soir : « Les gars, allez dormir, on sera de garde. » Je me suis juste assis sur une chaise près de la carte, et puis il y a eu une explosion, une frappe directe d'une bombe aérienne. J'ai sauté avec la chaise. Nous avons à peine eu le temps de nous lever et il y a eu une deuxième explosion. Nous étions tous couverts de décombres. Nous avons commencé à nous chercher dans le noir. Nous avons allumé nos lampes de poche, pris toutes les mesures de défense, déplacé tout dans le hall, déplié à nouveau la carte et commencé à travailler davantage. Personne n'a reculé. Personne n'a frissonné. Le seul truc c'est que tout le monde a vite mis son casque (rires).

Pour moi, ils sont tous des proches. Je suis inquiet pour chacun d'eux et je suis prêt à donner ma vie pour eux. De même qu’ils sont prêts à le faire pour moi. Je le sais et le vois. Si nous n'avions pas confiance en l'équipe, nous n'irions pas de l'avant et ne nous battrions pas.

« Nos enfants et petits-enfants doivent vivre dans un État indépendant – c'est pour cela que nous nous battons »

Qu'est-ce qui m'inspire ? Mon pays. Ma famille. Mes subordonnés, pour chacun desquels je suis responsable. C'est mon inspiration. C'est pour ça que je vis.

Après la Victoire, je voudrais marcher avec ma brigade de Kharkiv à Tchougouiv. Je voudrais visiter la brigade et entrer dans ma maison. Je voudrais mettre des fleurs sur les tombes de ceux qui sont morts. Je voudrais m'incliner devant toutes les mères et les remercier d'avoir élevé leurs fils et leurs filles qui, sans réfléchir, sont allés à la guerre pour défendre leur patrie. C'est le plus important.

Et puis nous pourrons reconstruire et améliorer notre pays. L'Ukraine doit être libre. Nos enfants et petits-enfants doivent vivre dans un État indépendant. C'est pour cela que nous nous battons, et c'est pour cela que mes gars ont donné leur vie...

Je raconterai cette guerre à mes petits-enfants ainsi : « C'était une lutte du peuple libre d'Ukraine pour sa propre liberté et contre le nazisme russe. »

« Mon rêve est de me détendre avec ma famille »

Mon rêve personnel… Tout est très simple. Je veux enfin déballer la tente et le bateau que j'ai reçus en cadeau pour mon anniversaire il y a deux ans. Je veux prendre des cannes à pêche et, avec mes fils et ma fille que je n'ai pas vus depuis six mois, aller me reposer là où personne ne me trouvera. Je veux éteindre mon portable, allumer un feu et faire cuire une soupe au poisson. Je veux juste me détendre avec ma famille pendant au moins cinq jours.

Alina Logvynenko, Serguiy Lyssenko

Crédit photos : Arsen Fedossenko

kh

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