Mykhailo Podoliak, conseiller du directeur de cabinet du président
Si nous acceptons Minsk-3, jamais nous ne vengerons nos enfants
05.12.2022 19:18

IL N'Y A PAS DE PROCESSUS DE NÉGOCIATION, À AUCUN NIVEAU

- Vous faites partie du groupe de négociation avec la Russie. Y a-t-il des discussions entre Kyiv et Moscou aujourd'hui, si oui, qui les dirige et sur quelles questions ?

- Il est important de distinguer deux périodes dans ce processus. La première se situe avant la tragédie de Boutcha. Avant, un certain processus de négociation avait vraiment existé. Il n'était pas aussi efficace et prometteur qu'on aurait pu le souhaiter, cependant, il s’agissait vraiment d’un processus de négociation, ou au moins de préparatifs pour des négociations. Différentes personnes y ont joué différents rôles, essayant de trouver une solution à ce conflit sur les fondements mêmes, je dirais sur une conception du monde, et qui a été lancé à l'échelle actuelle par l'invasion de l'armée russe sur le territoire de l'Ukraine.

Mais tout cela a pris fin au moment où les troupes russes se sont retirées de la région de Kyiv. À ce moment-là, nous, toute l'Ukraine, avons pris conscience que cette guerre ne peut pas se terminer par la recherche d'un compromis : c'est une guerre de type génocidaire, c'est la destruction d’une autre civilisation. Et cela a fondamentalement tout changé, fermé toute fenêtre d'opportunité de dialogue avec la Russie.

Et maintenant, parlons de la période actuelle. Premièrement, il n'y a pas de processus de négociation, à aucun niveau. C'est extrêmement important. Aucune tentative en coulisse pour parvenir à un accord, le président Zelensky ne le permettrait certainement pas, il préfère mener une politique transparente, surtout dans un dossier aussi complexe, où le prix en sang versé est énorme. Deuxièmement, la Fédération de Russie ne veut aucun processus de négociation, elle a d'abord essayé de lancer un ultimatum, et aujourd'hui elle insiste sur l'acceptation de ses exigences par un ultimatum. Elle utilise simplement le mot «négociations» comme campagne d'information pour montrer au monde occidental: «Regardez, nous sommes fondamentalement prêts pour le dialogue». Mais en même temps, les Russes continuent de bombarder nos villes avec des missiles de croisière, continuent de violer et de tuer des Ukrainiens dans les territoires occupés.

- Alors qu'est-ce qu'ils veulent dire par le mot «négociations» ?

- Deux choses : remplissez les exigences de l'ultimatum, laissez-nous conserver ce que nous vous avons déjà volé, et laissez-nous ne porter aucune responsabilité. Et voilà: si Minsk-3 est conclu, la Fédération de Russie échappera à toute responsabilité. Il n'y aura pas de tribunal spécial, il n'y aura pas de réparations. Que se passera-t-il à la place ? Une campagne de propagande à grande échelle de la Russie, qui démontrera pendant des décennies qu'elle avait le droit d'entrer dans un pays étranger, d’exterminer tout le monde sur ce territoire et de tout détruire, qu'elle a été forcée de le faire. Et à un moment donné, le nombre de ces messages deviendra si effrayant que le monde dira : en effet, peut-être que cela peut être expliqué et accepté dans une certaine mesure. En d'autres termes, en acceptant ce Minsk-3 sous n'importe laquelle de ses formes, nous obtiendrons une vérité totalement mensongère sur cette guerre. Nos enfants ne seront jamais vengés. Ce ne sont pas des enfants russes qui meurent aujourd'hui, ce ne sont pas des citoyens russes, ce ne sont pas des femmes russes qui sont violées, ce ne sont pas des personnes âgées russes qui sont tuées - tout cela arrive aux Ukrainiens. Et si nous acceptons les exigences de l'ultimatum de la Russie, ces personnes ne seront jamais vengées.

- Mais après tout, pour eux, si nous le comprenons bien, une «pause opérationnelle» n'est pas moins importante ...

- Sans aucun doute. S'ils n'obtiennent pas que les demandes de leur ultimatum soient acceptées, ils veulent pouvoir faire une pause opérationnelle. Pourquoi ont-ils besoin de cette pause? Leurs performances militaires dans cette guerre sont médiocres, ils la perdent. Pris de panique, ils enrôlent de plus en plus de mobilisés, ils recourent à la conscription, ils vont poursuivre la mobilisation des hommes dans l’armée, mais il faut une coordination, sinon ils continueront à se révéler extrêmement médiocres dans cette guerre.

Une pause opérationnelle leur permettrait aussi de réduire la démoralisation dans leur propre armée, car c'est une armée qui fuit tout le temps. Grâce à cette pause, ils seraient en mesure de fixer une nouvelle ligne de séparation, de reconstruire des fortifications et, surtout, de réduire la déception à la fois dans leur propre société et dans leur propre armée. De plus, ils pourraient se procurer quelque part des volumes supplémentaires d'armes, vendre des volumes supplémentaires de matières premières et ainsi obtenir de l'argent pour continuer la guerre. Serait-ce vraiment notre intérêt d’avoir une partie de l'armée russe plus apte à combattre?

Et enfin, grâce à cette pause, ils pourraient avoir suffisamment de temps pour influencer les sociétés des autres pays, pour leur dire que «nous ne sommes pas vraiment des tueurs», leur dire: «nous pouvons négocier un accord, nous avons juste eu une sorte d’incompréhension mutuelle». Alors ils diffuseront cela auprès des sociétés occidentales et diront : «organisons encore une sorte de processus de négociation, organisons un Minsk-3, construisons de nouvelles lignes de démarcation». Et là, un point principal très important : personne, sauf l'Ukraine, ne peut déterminer comment nous voulons avancer, comment nous voulons mettre fin à la guerre.

Je le dis souvent: regardez la carte, regardez la superficie de la Fédération de Russie, le nombre d’habitants là-bas, la quantité d'armes accumulée. Et comparez avec l'Ukraine, avec l'Ukraine, ouverte sur l'Europe. Pourtant, depuis 9 mois maintenant, nous sommes confrontés sur un pied d’égalité, en fait, à des barbares qui ne font rien d'autre que venir, tuer, prendre, piller, voler et s'enfuir. C'est le concept du «monde russe».

Malheureusement, à mon avis, une erreur fondamentale a été commise en 2014, lors de la signature de Minsk-2. L'échange de territoire en échange de la paix est toujours une pratique perverse, car vous montrez à l'agresseur que vous êtes faible, et l'agresseur conclut qu’il pourra attaquer, pourra tuer. L'agresseur n'a pas eu de chance, car s'il avait réussi à prendre l'Ukraine en 3 à 7 jours, il aurait pu dissimuler toutes les traces de ses crimes, il aurait pu dire comme il l’a dit alors : nous avons pris la Crimée, elle est maintenant à nous, tout le reste - des détails qui n'ont aucune importance.

Une question raisonnable se pose : un règlement diplomatique aujourd'hui ne ressemblerait-t-il pas à une proposition de reddition pour l'Ukraine, pays qui est en train de gagner la guerre ? Vous nous suggérez d’être un cas unique et d’inscrire dans les annales historiques exactement cette formule: vous gagnez la guerre, mais vous devez capituler, parce que c’est ce que nous estimons ? Les auteurs de cette proposition ne comprennent pas pleinement la force de l'Ukraine et la faiblesse de la Russie. Et donc l'impossibilité de parvenir à un accord médian, l'impossibilité de ne pas punir les crimes, l'impossibilité de parler avec la Russie comme avec un partenaire approprié.

NOS PARTENAIRES DOIVENT OUBLIER LEUR PEUR HISTORIQUE DE LA RUSSIE

- Ne pensez-vous pas que l'Occident, malgré toute sa force et son potentiel, ressent une sorte de peur existentielle de la Russie ?

- Je pense que oui. Et c'est presque le principal. Toute rhétorique sur les négociations qui contient la moindre allusion à l’idée de «sauver la face de la Russie» est une tentative de masquer ces craintes résiduelles envers la Fédération de Russie. Vous vous souvenez qu'avant la guerre, on croyait que la Russie était un pays - monstre. La Russie a beaucoup investi pour se donner la réputation d'un pays dont on doit avoir peur. La Russie s’adressait à de nombreux pays sur un ton dédaigneux. La Russie a financé la participation aux élections politiques dans d'autres pays grâce au financement indirect de groupes d'extrême droite et d'ultra gauche. La Russie a perpétré des crimes politiques. La Russie a provoqué des pressions politiques par sa propagande sur tel ou tel pays. Et, bien sûr, elle a créé l'image d’un pays dont il faut avoir peur et avec lequel il faut composer. Y compris parce que la Russie a utilisé une partie de ses finances pour corrompre les élites politiques, médiatiques et culturelles d'autres pays.

Mais c’est fini, le temps de la peur est révolu. Et si l'Ukraine s'est débarrassée de sa peur il y a de nombreuses années déjà, en 2014, nos partenaires doivent aussi renoncer à cette peur, leur peur historique de la Russie. Ce n'est pas un pays - monstre. Il s'agit d'un État nain plutôt primitif, bien que vaste territorialement. Du point de vue de l'influence sur la politique mondiale, du point de vue de l'économie, de l'influence sur l'économie mondiale, il s'agit précisément d'un État nain, technologiquement arriéré, ne possédant que de grands arsenaux d'armes soviétiques. Et aujourd'hui, il semblerait que l'Ukraine, un petit pays, sans armes nucléaires, refuse d'avoir peur. L'Ukraine est prête à se battre jusqu'au bout, car elle est consciente de tous les risques d'un « compromis » final pour cette guerre. L'Ukraine paie un prix colossal, d'ailleurs, l'Ukraine ne dit à personne : rejoignez-nous dans cette guerre. L'Ukraine dit qu’elle mettra fin elle-même à cette guerre, elle la gagnera.

- Les adversaires ne manqueront pas de souligner que, sans l’aide de l’Occident, vous ne gagnerez pas...

- Je suis d'accord. Oui, nous ne pouvons pas nous passer de cette aide. Parce que ce pays, la Russie, est beaucoup plus grand, ce pays a accumulé des arsenaux d'armes et des ressources pendant des décennies. Ce pays nous a frappés et continue de frapper les centres industriels et les régions agricoles. Ce pays détruit nos infrastructures, y compris les transports. Par conséquent – aidez-nous. Nous vous rembourserons nos dettes, en particulier envers vous. Mais aidez nous à gagner cette guerre qui ne peut être perdue. Parce que quand vous parlez de valeurs, de liberté, de démocratie dans différents forums, quand vous les élevez au rang suprême, vous dites: nous sommes la liberté et la démocratie. Et là-bas c’est les camps et l'autoritarisme. Alors aidez-nous à prouver qu'un système démocratique est bien plus efficace qu'un système autoritaire. Ne faites pas ce que vous allez regretter, car une fin injuste de cette guerre signifiera un chaos colossal dans le monde. Les États instables avec un régime politique instable comprendront qu'ils ont le droit d'exiger par la force tout ce qu'ils jugent bon. Ils attaqueront d'autres États, ils chercheront des armes nucléaires dans le monde entier, ils financeront des organisations terroristes, etc. Voulez-vous détruire la sécurité dans le monde entier ? Au moment où l'Ukraine cherche aujourd'hui à rétablir et à renforcer la sécurité comme valeur fondamentale de ce monde.

- Comment, à votre avis, les dix points de la formule de paix proposée par le président ukrainien Volodymyr Zelensky au sommet du G20, maintenant dans les faits G19, ont-ils été perçus ?

- Comme très constructifs, ou, si vous préférez, très élaborés. Tout ce que l'Ukraine et le président Zelensky, qui la représente sur la scène internationale, réalisent aujourd'hui est une transformation fondamentale de la politique mondiale. Elle est beaucoup plus responsable, beaucoup plus équitable et présente une évaluation beaucoup plus directe de ce qui se passe.

 Et le dernier point est très important car il s'agit d'un discours sur des problèmes réels. Si auparavant tout était évasif, il fallait regarder autour de soi, analyser ce que dira tel ou tel pays, maintenant tout est différent.

- Comment différent?

- Regardez les discours de M. Borrell, M. Stoltenberg, M. Scholz, M. Macron, Mme Méloni, etc. Regardez les dirigeants mondiaux, y compris ceux des pays du G-19 : ils mettent l'accent juste, ils posent des questions directes dans le dialogue, quelque chose qui n'a pas été observé dans la politique mondiale depuis longtemps. Et en fait, c'est ce qui a provoqué un grand nombre de conflits sur différents continents. Les dirigeants des pays les plus influents avaient peur d'appeler un chat un chat, ils avaient peur de mettre les points sur les i. Et l'Ukraine, avec sa politique proactive, en particulier dans les premières semaines de la guerre, a changé l’image de la politique mondiale, a donné aux politiciens la possibilité de prendre leurs responsabilités. Et la formule de paix suit clairement cela, chaque point est logique, chacun de ces dix points est pensé. Chacun d'eux en soi apporte au monde un certain espoir de stabilité. Et nous avons aujourd'hui, bien sûr, des réponses claires des pays partenaires.

- Et qu'en est-il des non-partenaires, c'est-à-dire ceux dont la position envers nous a été jusqu'à présent, disons, diplomatiquement ambiguë ?

- Nous comprenons la perception de ces pays qui ont essayé d'être neutres. Cela vient aussi du fait que l'Ukraine est transparente dans ses intentions de mettre une fin juste à la guerre, et le fait que des résolutions apparaissent sur diverses plateformes internationales qui mettent l’accent sur des points précis dans cette guerre - qui est l'agresseur et qui est la victime. Tout cela affecte la position des autres pays qui, dans les premiers mois de la guerre, étaient plutôt condescendants ou, disons, indifférents à cette guerre. Je parle de l'Amérique latine, des pays d'Afrique, de l'Orient en général, pas seulement du Moyen-Orient, mais en général.

C'est-à-dire que la position change. Le monde comprend qu'il n’est pas possible de permettre de détruire l’armature de sécurité dans un seul pays, car cela entraîne des conséquences géopolitiques. La Russie a détruit démonstrativement le droit international. Elle a détruit le droit international humanitaire, montré qu'il est possible de tuer en toute impunité, de détruire des infrastructures critiques, c'est-à-dire de détruire la vie de millions de personnes. La Russie montre qu'on peut absolument ignorer les règles et coutumes de la guerre, toutes les conventions réglementant la manière de mener une guerre. C'est-à-dire que la Russie, en fait, nous ramène à la barbarie en tant que concept, au Moyen Âge. Peut-être que le monde ne veut pas vivre ainsi. Probablement, il commence enfin à comprendre que si cette guerre est «gelée» sous cette forme, ce ne sera plus le 21ème siècle, mais toute autre chose...

- La reconnaissance de la Russie comme pays terroriste est une étape logique et importante dans cette série. Après les décisions correspondantes d'un certain nombre de pays, de l’Assemblée parlementaire de l'OTAN et du Parlement européen, pouvez-vous être sûr que ce processus sera mené à bien au niveau de toutes les structures internationales ?

- Sans aucun doute. Ce n'est pas seulement logique, c'est vital pour le monde. La Russie ne pourra pas dissimuler cette page de son histoire ; ne pourra pas «s'éloigner du sujet» par la propagande, car cela sera enregistré juridiquement. Par conséquent, après les décisions de l'Assemblée parlementaire des pays de l'OTAN et du Parlement européen, j'espère que cette décision sera prise dans les autres plates-formes internationales. Ainsi, la Russie deviendra un paria. La reconnaissance d'un État concret en tant que pays terroriste, et la réputation qui s’ensuit, modifie considérablement l'attitude générale qui l'entoure. Aujourd'hui, de nombreux pays neutres analyseront attentivement s'ils souhaitent commercer et entretenir des relations étroites avec un tel pays. Imaginez-vous, par exemple, un pays terroriste sponsor d'un symposium culturel international ou d'une fédération sportive internationale ? En conséquence, la Russie perdra beaucoup d'éléments importants pour sa nébuleuse de propagande, elle ne pourra plus être présente partout et sera progressivement expulsée de partout. Expulsée derrière le rideau de fer, derrière lequel seulement elle pourra exister. Après cela, les processus de transformation commenceront. Parce que tous les habitants de la Fédération de Russie ne sont peut être pas prêts à vivre en parias.

- La décision de l'Assemblée générale de l'ONU sur le paiement par la Russie des réparations à l'Ukraine devient-elle un outil pratique pour aider ces «transformations» en Russie, dont vous parlez ?

- Bien sûr. Cette résolution n'a pas seulement un contour moral et psychologique, mais aussi une signification pratique sérieuse. Ce n'est plus seulement une théorie, mais cela devient une pratique pour les pays qui ont saisi des biens russes. Ceci est particulièrement important pour les pays d'Amérique latine et d'Afrique. Si auparavant, par exemple, toutes les décisions de reconnaître la Russie comme un acteur extrêmement négatif de l'histoire du monde étaient prises par nos partenaires occidentaux, les États-Unis, la Grande-Bretagne, l'Europe continentale, la reconnaissance de ce fait au niveau de l'ONU est extrêmement importante pour les autres continents, sur le plan de la réputation. Ces pays surveilleront la guerre de beaucoup plus près et s’orienteront beaucoup moins vers la Russie. Et ils commencent déjà à s'éloigner rapidement de la Russie. Ce processus gagnera en volume et en élan.

- Les résultats du sommet du G19 s'inscrivent-ils également dans cette logique ?

- Tout ce qui s'est passé au G-19 montre avec éloquence que la Russie, même parmi les pays non européens, ne suscite plus la demande. La résolution qui suit les résultats du G-19 est extrêmement importante, elle nomme avec précision quel type de guerre la Russie mène en Ukraine, qui est responsable de cette guerre et qui en assumera seul l'entière responsabilité.

- Y-a-t-il des résultats dans l'enquête sur la chute du missile en Pologne ? Cet événement est-il lui-même un nouveau point dans le compte à rebours de la guerre ?

- Le moment où le missile est tombé sur le territoire de la Pologne est extrêmement important. Tout d'abord, nous insistons sur le fait que la guerre doit être transparente, il n'est pas nécessaire d'essayer de cacher quelque chose, il est nécessaire d'effectuer tout le travail d'enquête et de ne pas faire de déclarations tant que le travail d'enquête n'est pas terminé. Deuxièmement, lorsque nous faisons nos déclarations, nous sommes en état de guerre, et à ce même moment, une frappe massive s’abattait sur le territoire ukrainien et, bien sûr, la première réaction a été que ces missiles étaient russes. Troisièmement, nous ne cherchons pas à intensifier la guerre, nous ne cherchons pas à entraîner d'autres pays dans cette guerre. Et par conséquent, il ne faut pas avoir peur de donner une évaluation exacte de ce que fait la Russie. Et, enfin, nous attendrons les résultats de l'enquête sur le site de l'accident, sur la base des documents présentés, y compris par la partie ukrainienne, et ce n'est qu'après que nous évaluerons objectivement ce qui s'est passé. Mais il faut comprendre l'essentiel: s'il n'y avait pas eu d'agression russe, s'il n'y avait pas eu un tel volume de missiles survolant le territoire de l'Ukraine, y compris la région de Lviv, jusqu'à la frontière avec la Pologne, bien sûr il n'y aurait pas eu d'accident. Autrement dit, le seul pays à blâmer pour tous ces excès, pour avoir violé le périmètre de sécurité, c’est bien sûr la Fédération de Russie. Et il n'est pas nécessaire de chercher une sorte de double interprétation, on doit nommer les choses sans détour : la Russie est le coupable de toute escalade, c'est tout, point final. Cela ne signifie pas que vous serez impliqué dans un affrontement direct avec elle, l'Ukraine règlera son compte avec l'armée russe elle-même.

-« La transparence de la guerre» - cela signifie que, s'il s'avère que c’était un missile ukrainien, nous l'admettrons ?

- La transparence de la guerre, c'est que l'on n'a jamais rien caché. Dès que la Russie commence à parler, par exemple, d'une «bombe sale» ou de laboratoires biologiques, nous disons à chaque fois : je vous en prie, venez voir. Nous avons invité l’AIEA à visiter la centrale nucléaire de Zaporijjia et nous n’avons demandé qu’une seule chose : soyez objectif, soyez précis. Ne dites pas abstraitement qu'il y a une sorte de faille dans la sécurité, par exemple, mais dites plus précisément qui est responsable de cette hypothétique insécurité. Ne parlez pas dans l'abstrait, en disant que quelqu'un viole quelque chose et qu'il y a des risques, par exemple, avec la sûreté nucléaire, mais dites précisément qui viole et pourquoi. Eh bien, et surtout, transmettez ce que l'Ukraine propose. Et l'Ukraine propose des choses très simples: une enquête transparente, le retrait des troupes de la Fédération de Russie, une zone de démilitarisation de 10 à 15 km, le retour du personnel ukrainien pour travailler à la centrale afin de garantir une approche professionnelle de l'entretien de la centrale. Et, enfin, quatrièmement, des sanctions contre Rosatom : un groupe terroriste appelé Rosatom et Rosenergoatom ne peut pas avoir de contrats internationaux pour la construction d’installations nucléaires ou pour l'échange de technologie nucléaire, c'est tout. Par conséquent, appelez un chat un chat et n'ayez pas peur d’être direct.

- Le président autoproclamé de la Biélorussie, Alexandre Loukachenko, menace l'Ukraine d'un anéantissement total, tandis que la Russie, selon les services de renseignement ukrainiens, prépare des provocations dans des infrastructures critiques, sous drapeau étranger. Quelle est la probabilité d'une nouvelle attaque depuis la Biélorussie?

- La Biélorussie n'est pas indépendante dans la prise des décisions militaires, son groupement militaire est entièrement contrôlé par des officiers russes. Une partie de l'armée russe mobilisée a été amenée en Biélorussie, des exercices constants se déroulent en Biélorussie ainsi que le redéploiement constant de tel ou tel équipement militaire, une partie de ces équipements a été transportée dans le Donbass et est utilisée dans les combats. La Biélorussie met à disposition ses infrastructures, notamment ses aérodromes, pour des frappes sur le territoire de l'Ukraine. Néanmoins, force est d'admettre qu'aujourd'hui la Biélorussie n'est pas prête à participer à une opération terrestre contre l'Ukraine. Et pour y parvenir, bien sûr, la Fédération de Russie réfléchit à différents moyens de la pousser dans cette direction. L'un d'eux, évidemment, consiste en des attaques terroristes sur le territoire de la Biélorussie, en particulier sur les infrastructures critiques : il s'agit des raffineries de pétrole, des infrastructures gazières et autres. Pour encourager ainsi la Biélorussie à prendre une décision extrêmement impopulaire pour elle.

- Et, bien sûr, pour Loukachenko lui-même.

- Et pour Loukachenko. Naturellement, de tels risques existent. Mais la Fédération de Russie fait encore preuve d'un degré de compréhension extrêmement faible de la logique des processus qu'elle tente de mettre en oeuvre. Pour l'Ukraine, bien sûr, il n'y a pas le moindre sens à provoquer quelque chose sur le territoire de la Biélorussie et obtenir ainsi une guerre sur deux fronts. C'est une absurdité totale : nous avons un ennemi clé, nous avons une très longue ligne de front, plus de 1200 km, où se déroulent des hostilités actives. Allons-nous, dans de telles circonstances, provoquer un pays voisin à mener des hostilités contre nous ? Certainement pas. Nous appartenons à la partie pragmatique de la civilisation humaine moderne. La Fédération de Russie appartient à la partie la plus stupide de la civilisation humaine, pour laquelle il semble que la logique de telles étapes soit difficile à appréhender. C'est pourquoi nous avertissons publiquement que la Russie peut provoquer des attentats terroristes tant sur son territoire qu'en Biélorussie. Néanmoins, je voudrais tout de suite attirer votre attention : dans la direction nord, nous avons préparé toute l'infrastructure pour faire face à d'éventuels excès, s'ils se produisent.

- Comment la Russie essaie-t-elle aujourd'hui d'influencer l'esprit des Ukrainiens qui devront affronter l’hiver avec des coupures d'électricité ?

- La Russie a tenté d’investir ce sujet, en provoquant des humeurs protestataires et en élaborant tout un réseau de tracts d'information, y compris en langue ukrainienne, dans lesquels ils écrivent : nous voulons la lumière chez nous, donc, asseyez-vous à la table des négociations, acceptez toutes les conditions. Mais ça a l'air bizarre. Pour toute personne, une trahison est une trahison, et une tentative de forcer l'Ukraine, le gouvernement ukrainien, à accepter les conditions d'un ultimatum parce que la Russie attaque des installations énergétiques, est précisément la manifestation, à mon avis, d'une trahison. Et il me semble que c'est une autre preuve que la Russie a une approche totalement inadéquate dans l'évaluation de l'Ukraine. Elle continue d'utiliser en Ukraine, ou plutôt, elle essaie d'utiliser des techniques qui ne fonctionnent plus ici, et n'ont pas la moindre incidence. Elles n’influenceront en rien l'opinion publique, elles n'affecteront en rien l'appréciation de la guerre : nous avons, je le souligne encore une fois, un consensus public, il s'exprime dans les chiffres de 88-95% que la guerre devra finir comme le propose le président Zelensky, c'est-à-dire aux frontières de l’année 91 en Ukraine. Nul doute que la Russie tentera de discréditer ce fait. Et, pour être honnête, je suis quelque peu perplexe qu'il y ait encore dans notre pays des consommateurs pour un tel produit russe. Il me semble que ce produit est si primitif, si déconnecté de l'instant présent et de l‘époque, qu'il n'a aucune chance.

-Pouvez-vous commenter la situation concernant l’annulation des accréditations d'un certain nombre de journalistes, y compris étrangers?

- Il est important de sortir de chacun de ces conflits avec une compréhension exacte, par toutes les parties, des causes, conclusions et leçons. Des conclusions sont faites. Il y a ici deux composantes, très importantes, elles entrent parfois en conflit l'une avec l'autre, mais néanmoins, elles doivent toujours être discutées. D'une part, ce sont bien sûr les problèmes de sécurité - zone minée, actions des groupes de sabotage, ce sont des risques - et des risques majeurs - pour le travail des journalistes. Et bien sûr, l'État, en l'occurrence les Forces armées ukrainiennes, essaie de diminuer ces risques. D'autre part, nous comprenons parfaitement qu'il est extrêmement important pour l'Ukraine qu'une agence de presse ou des journalistes montrent avec une accessibilité maximale, en direct, ce qui se passe dans les territoires désoccupés, et la guerre elle-même, afin que les sociétés des autres pays ressentent le coeur de cette guerre. Bien sûr, il est difficile de trouver cet équilibre, mais néanmoins nous le recherchons. A Kherson, des journalistes ont été privés de leur accréditation précisément pour avoir enfreint les règles destinées à assurer leur propre sécurité. Néanmoins, s'il ne s'agit pas de manquements systémiques et de manquements à caractère critique, nous discutons avec les rédactions et restituons les accréditations. Et puis nous travaillerons sur de tels excès dans le cadre de groupes de travail.

- Les récentes visites des forces de sécurité dans la laure de Kyiv-Petchersk et d'autres églises de l'Église orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Moscou et plus de 30 affaires initiées par le Service de sécurité d’Ukraine contre les prêtres de cette Église - est-ce un nouveau tournant dans l'attitude de l'État envers l'Église de Moscou ?

- Premièrement, cela n'a absolument rien à voir avec l'église en tant que telle. Je veux dire comme un lieu de culte où vous établissez une relation personnelle avec Dieu. Cela a à voir avec neuf mois de guerre. Cette durée est suffisante pour décider de quel côté vous êtes. Et si, après neuf mois de guerre que la Russie mène contre l'Ukraine, une guerre de destruction de l’essence même de l'État ukrainien, de destruction des personnes qui sont citoyennes de cet État, vous prêchez le soutien à l’ennemi qui nous tue, vous devez être prêt, bien sûr, à en assumer la responsabilité. Il ne s'agit pas du tout de religion, il s'agit de conscience et de morale. Et au moins, vous devez assumer une responsabilité pénale si vous soutenez le type de guerre génocidaire que mène la Fédération de Russie et le faites sur le territoire de l'Ukraine. Il me semble donc que le travail que font les policiers est tout à fait opportun. Quelle interprétation juridique spécifique ils en donneront, nous le verrons bientôt dans les déclarations officielles. Il existe des civilisations barbares et, malheureusement, l'Église orthodoxe russe est plutôt liée à un type de culte barbare, et nous devons avoir, sur notre territoire, notre propre interprétation d’une Église qui déclare par la bouche de son chef, qu'il faut aller dans un autre pays et tuer les gens.

- En attendant, comment atteindre le cœur du Vatican en la personne du Pape ?

- Parler, dialoguer. Pour faire comprendre qu'il n'y a qu'une seule raison à cette guerre - la politique expansionniste de la Russie, sa haine de l'Ukraine précisément d'un point de vue humain, et il n'est pas possible de soutenir simultanément l'un et l'autre côté. Là, soit vous êtes du côté du bien, soit vous êtes du côté du mal. Le mal est aujourd'hui incontestablement du côté de la Russie, c’est un choix fait exclusivement par la Russie de tuer massivement les citoyens d'un autre pays. Je ne cite pas un éventail plus large de valeurs - concurrence, liberté, démocratie en tant que telle, droit à la vie privée. La Russie fait preuve d'une impréparation totale à exister dans le monde moderne. Malheureusement, tout le monde ne comprend pas la véritable nature de cette guerre. Donc, nous devrons encore souvent expliquer cette guerre à telle ou telle personnalité publique importante, y compris à des responsables religieux de différentes confessions.

-Quelles sont vos prévisions - le Pape visitera-t-il l'Ukraine ?

- Je ne prétends pas prédire cela, mais je sais avec certitude que de nombreux dirigeants d'autres pays, qui sont venus en Ukraine et ont vu de leurs propres yeux la quantité de peur et de haine que la Fédération de Russie a générées, ont perçu la guerre contre notre pays d'une manière complètement différente. Peut-être qu’une telle visite, ce serait bien. Souvenez-vous de l'étonnante visite de M. Stanmeier, président de l'Allemagne. Après avoir séjourné dans un abri anti-bombes et avoir vu les gens qui endurent tout cela stoïquement et qui, en même temps, pensent tout à fait sincèrement qu'il est impossible de faire des concessions à l'agresseur, il a complètement changé d'avis: à propos du type de guerre qui se déroule, de ce qui s'est passé en 2014, pourquoi l'Europe occidentale s'est trompée sur la Russie et pourquoi aujourd'hui nous récoltons les fruits de cette politique mondiale erronée envers la Russie.

-Que pensez-vous du nouveau Premier ministre britannique et de sa visite récente en Ukraine?

- Rishi Sunak est une personne très, très forte et qui ressent avec beaucoup d’émotion ce qui se passe en Ukraine. Il est très intéressant de voir arriver des gens qui ont une grande expérience de la vie, une grande expérience de la participation à la politique mondiale, et comment leur perception change lorsqu'ils voient la souffrance à une telle échelle, celle de milliers de personnes, mais en même temps ils voient la volonté de ces Ukrainiens d’aller jusqu’au bout, de ne pas s'effondrer, de ne pas se contenter de moins pour une existence plus confortable. Et vous voyez l’émotion dans les yeux de ces personnes, vous voyez un changement dans leur perception à la fois de la guerre et de l'Ukraine. L'Ukraine, qui n'est pas prête à renoncer au droit d'être libre.

Olexandre Kharchenko

Photo de Gennady Minchenko

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