Bohdan Bilohotzky (Bilot), Président de l’Union des Ukrainiens de France: Notre première tâche est de contrer Russia Today
25.10.2017 09:45

Il y a presque 1000 ans, la fille du Grand Prince de Kyiv, Anne de Kyiv, est arrivée en France pour épouser Henri 1er, roi de France.

Cette princesse est devenue la première émigrée ukrainienne qui soit venue en France. Les déplacements des Ukrainiens vers la France n’ont pas été importants. La première petite émigration, clairement ukrainienne, est apparue à la fin du 19ème siècle. C’est dans les années 1920 qu’un nombre assez conséquent de combattants de l’Armée Nationale Ukrainienne se réfugia en France. Bohdan Bilohotzky, Président de l’Union des Ukrainiens de France, est un héritier de cette vague d’émigration. Il précise que son amour pour l’Ukraine et que son esprit patriotique lui ont été transmis par son aïeul qui était un combattant de l’Armée Nationale Ukrainienne.

Dès le début de leur émigration en France, les Ukrainiens se sont réunis souvent en fonction de leurs idéaux politiques. Expliquez nous, s'il vous plait, quand et comment l'Union des Ukrainiens de France a été créée ?

Notre organisation a été fondée en 1949 par des Ukrainiens, libérés des camps d’extermination et des camps de réfugiés en Allemagne. Durant un demi siècle, l’Union des Ukrainiens de France été dirigée par le professeur Wolodymyr KOSYK qui était un historien et un politologue. En outre, Wolodymyr KOSYK était professeur de l’université de la Sorbonne, de l’université libre ukrainienne, de l’université d’état de Lviv. Le professeur KOSYK a publié nombre d’ouvrages importants relatifs à la thématique ukrainienne.

Depuis sa création et jusqu’à la fin des années 1980, l’Union des Ukrainiens de France était très fortement implantée, elle comptait plus de 10 filiales parfaitement structurées et nous étions vraisemblablement la plus représentative des organisations ukrainiennes de France. Par la suite, à l’instar de toutes les structures ukrainiennes de France, nos avons entamé un lent déclin. Depuis peu, l’Union des Ukrainiens de France reprend vie et nous recrutons des Ukrainiens issus de l’émigration postérieure à l’indépendance de l’Ukraine. Pour devenir membre de l’Union des Ukrainiens de France, il faut répondre aux critères fixés par notre statut, remplir une demande d’adhésion et c’est le Comité directeur qui décide d’accepter ou de refuser chaque candidature. L’un des derniers membres que nous ayons recruté est le « héros de l’Ukraine » : Vassyl SLIPAK.

Nous sommes sur une pente ascendante et l’organisation annuelle de notre camp de vacances pour la jeunesse n’est pas étrangère à notre résurrection.

Фото: Виктория Козак

Vous avez dit que vous organisiez un camp d'été. Pourriez-vous en dire plus s'il vous plait ?

Notre camp de vacances de Rosey accueille, chaque année, une soixantaine d’enfants issus de parents ukrainiens ou d’origine ukrainienne. L’organisation de ce camp est complexe car elle répond parfaitement à la législation française, extrêmement stricte. Depuis quelques années nous accueillons des orphelins ukrainiens dont les pères sont morts au front dans la zone du conflit. Cette année, nous en avons accueilli six. Madame Barbara Bessot Ballot, nouvelle élue à l’Assemblée Nationale, nous a rendu visite, elle  a fait connaissance avec tous les enfants et plus particulièrement avec nos orphelins ; elle s’est montrée attentive à leur égard et a témoigné un intérêt  quant à la situation en Ukraine.

Pour l’an prochain nous envisageons d’augmenter l’effectif des enfants et peut-être d’organiser un camp réservé aux petits français de souche afin qu’ils fassent connaissance avec l’Ukraine et sa culture.

Durant le camp, sont enseignés l’histoire, la géographie, la langue ukrainienne, les chants et les danses. Cependant les loisirs ne sont pas oubliés (canoë-kayak, équitation, tir à l’arc, piscine, etc...)

Quels sont les objectifs et les intentions de l'Union des Ukrainiens de France ?

Nous désirons nouer un maximum de relations avec les parlementaires français et les élus municipaux. Ces relations doivent faciliter l’organisation de conférences et d’expositions, de mise en connexion avec des comités de jumelage afin de favoriser ces derniers entre les villes françaises et ukrainiennes. Il nous semble primordial d’avoir des entrées dans les écoles françaises afin de pouvoir présenter des spectacles avec des thèmes ukrainiens. Il est essentiel que les Français fassent connaissance avec l’Ukraine à travers son histoire réelle et sa culture et cela ne peut s’effectuer qu’avec des échanges qui définissent clairement le rôle de « pont » auquel nous désirons accéder.

Nous avions quelques relations intéressantes  avec des Parlementaires français mais du fait des dernières élections législatives, plus de 70% des Députés sont de nouveaux élus,  nous devons absolument nouer des contacts avec ces « nouveaux venus » dans le monde parlementaire.

Il y a longtemps que la diaspora russe s’est activement engagée dans la vie de la société française tandis que nous sommes restés sur la touche.

Фото: Виктория Козак
Фото: Виктория Козак

Vous avez parlé de la diaspora russe en France. Pourriez-vous en dire plus, s'il vous plait ? Est-ce qu'elle a suffisamment de ressources pour propager les idées du Kremlin en France ?

La russophilie et l’imaginaire russe avec tout ce qu’ils comportent de démesure et d’inexactitude, sont profondément enracinés en France. Le mythe de la Sainte Russie Eternelle est particulièrement vivace.  « Kyiv, berceau de la Russie et autres fadaises sont régulièrement utilisées par les différents médias français ».   Mais le plus insupportable est d’entendre des hommes politiques français s’ériger en historien et expliquer que la Russie est issue de Kyiv et que les « Galiciens » osent employer le mot de « Moscals » pour désigner les Russes. Un tel degré d’ignorance ou de totale inféodation à la Russie est malheureusement encore trop courant dans la France du 21ème siècle. La diaspora russe, issue du tsarisme, est totalement alignée sur ces thèses : monarchisme et démocrature se rejoignent dès lors qu’il s’agit d’affirmer les grands mythes russes.

Les deux Maïdans ont quelque peu modifié la perception française de l’Ukraine. Il est évident qu’il convient d’augmenter considérablement les informations relatives à l’Ukraine et c’est seulement ainsi que le statuquo actuel évoluera dans notre sens.

Фото: Виктория Козак

Quelle est la situation actuelle ?

Mon âge me permet d’avoir connu les temps d’après guerre où quasiment le 1/3 du corps électoral français votait communiste. C’était le temps où, systématiquement, les Ukrainiens (pas seulement  ceux de la diaspora) étaient qualifiés de nazis, de collaborateurs, d’antisémites, etc … La propagande moscovite était totalement relayée par des journaux, par des hommes politiques, par des structures diverses totalement dépendantes financièrement de Moscou.

Le temps a passé, les choses ont changé, mais de cette période il reste des traces et la propagande actuelle de Poutine emploie strictement les mêmes arguments que ceux utilisés jadis. Malgré la crise économique qui sévit en Russie, le Kremlin n’hésite pas à investir des sommes considérables dans le domaine de la désinformation.

De mon point de vue, le colloque organisé en mai dernier à la Sorbonne, et qui avait pour thème « La Shoah en Ukraine » est un événement important qui a traité ce sujet, sans apriori haineux, teinté de propagande perfide. Cet événement a été organisé par Madame Galia Ackerman, Docteur en histoire, journaliste, spécialiste du monde russe et ex soviétique, ainsi que par Monsieur Philippe de Lara, Maître de conférences à l’université Panthéon Assas où il enseigne la théorie politique et la philosophie politique. D’éminents historiens français ont pris part à ce colloque qui a provoqué une rageuse fulmination dans certains milieux.

Après les événements de 2014, la diaspora ukrainienne dans le monde entier est devenue l'avant-poste de la lutte contre la propagande russe. Est-ce que la pression russe est ressentie en France ?

Comment luttez-vous contre cette influence ?

La pression russe est indéniablement ressentie en France. Hormis l’information, l’établissement à Paris en bord de Seine d’une cathédrale du Patriarcat de Moscou et d’un centre culturel est significatif, aucun autre pays du monde ne bénéficie d’une telle sollicitude. Actuellement, nous sommes préoccupés par la licence attribuée à Russia Today, qui pourra diffuser sa programmation sur les ondes françaises. En conséquence, nous avons publié un communiqué qui a été adressé aux plus hautes instances de l’état français ainsi qu’à tous les parlementaires et évidemment a été concerné le Directeur du CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel). Ne pouvant nous opposer à cette programmation, nous serons particulièrement vigilants et exigerons que les sanctions économiques, en cas de non respect de l’éthique journalistique, soient effectivement appliquées. Nous n’avons jamais hésité à organiser des manifestations et nous en envisageons un certain nombre. Un projet nous tient particulièrement à cœur, il s’agit de la création d'une cellule d’information qui aura pour but de combattre la désinformation russe.

Notre agence a très bien ressenti le soutien important de la part de la diaspora ukrainienne en France après l'arrestation de notre envoyé spécial Roman Souchtchenko à Moscou.

La communauté ukrainienne de France soutient réellement le combat livré pour la libération de Souchtchenko. Pour notre part, nous avons organisé à Paris une manifestation sur le Parvis des droits de l’Homme. D’autre part, dans nos courriers ou communiqués, nous protestons de façon quasiment permanente contre sa détention.

Est-ce que l'Union des Ukrainiens de France coopère avec d'autres organisations ukrainiennes en France ?

Nous coopérons avec d’autres organisations ukrainiennes de France. Parmi celles-ci, il y a l’Association des descendants des volontaires de la légion étrangère (ADVULE). Cette association, avec sa Présidente, Annick Bilobran, entretiennent la mémoire de ces combattants et également celle des nombreux Ukrainiens qui reposent dans les cimetières « soviétiques ». Nous coopérons également avec l’association « UKRAINE 33 » qui, avec sa Présidente, Guénia BOURRA, a tant œuvré avec succès pour la reconnaissance du Holodomor. Cette association s’est créé un impressionnant réseau de sympathisants qui est l’aboutissement d’un travail acharné. Evidemment, nous nous efforçons d’entretenir de bonnes relations avec toutes les organisations ukrainiennes ou franco-ukrainiennes et sommes prêts à coopérer sur des objectifs communs.

Y a-t-il des événements que vous organisez en commun ?

L’Union des Ukrainiens de France, avec d’autres organisations, participe à la commémoration du Holodomor, de la Fête de l’Indépendance, de la célébration de Tarass Chevtchenko, etc … De façon générale il nous paraît souhaitable d’associer le plus grand nombre de Français à ces différentes cérémonies.

Olga Budnik – Kyiv/Strasbourg

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