Pour le journaliste, un verdict de 12 ans cousu de fil blanc

Pour le journaliste, un verdict de 12 ans cousu de fil blanc

Ukrinform
Le procès dans l’affaire Roman Souchtchenko, journaliste d’Ukrinform. Il a été condamné à 12 ans de prison. Essayons d’y voir plus clair.

Depuis 20 mois, Roman Souchtchenko, envoyé spécial d’Ukrinform en France, se trouve dans une cellule de détention provisoire à la prison de Lefortovo à Moscou. Il a été arrêté le 30 septembre 2016 dans la capitale russe où il rendait visite à de la famille. Le Service fédéral de la sécurité de la Fédération Russe (FSB) affirme que le journaliste ukrainien serait un agent du service de renseignement du ministère de la Défense de l’Ukraine: "Roman Souchtchenko a délibérément recueilli des informations représentant des secrets d'Etat, des informations sur les activités des forces armées et les troupes de la garde nationale de Russie, et sa fuite à l'étranger pourrait nuire à la capacité de défense de l'Etat"

Le ministère de la Défense de l’Ukraine a démenti cette déclaration du FSB et il a diffusé des documents confirmant que Souchtchenko n’était pas un agent de cette institution. Mais les enquêteurs russes ne les ont pas pris en compte. La défense de Souchtchenko n’a pas cessé de souligner que l’affaire était fabriquée et que toutes les accusations n’avaient aucun fondement et ne résistaient pas à la critique. L’Ukraine et la communauté internationale se sont adressées à plusieurs reprises à Vladimir Poutine pour demander la libération de Roman Souchtchenko. Sans résultat... Moscou continuait son jeu " je ne vois rien, je n’entends rien". Et le lundi 4 juin, la cour de Moscou a prononcé le verdict envers Roman.

Il reste que des affaires semblables, cousues de fils blanc, sont devenues une tradition de la " justice" russe. Et l’affaire Roman Souchtchenko n’est qu’une des nombreuses affaires de prisonniers politiques du Kremlin et Roman en personne n’est que l’un des otages, un argument supplémentaire pour des négociations à venir.

Marc Feyguine, le défenseur de Roman Souchtchenko, déchu récemment de son statut d’avocat, a raconté dans une interview pour Ukrinform que toute cette étrange affaire, qui se déroulait à huis clos en raison du "secret d’État" annoncé ( Feyguine n’a pas vu le texte intégral du verdict, seules des parties introductives et décisives du verdict ont été rendues publiques), a progressé de manière inégale dès le début: "il y a eu ensuite une accélération, puis un ralentissement, apparemment sous l’influence du gouvernement russe, et pour des raisons qui nous sont restées inconnues. Il en a été de même à la fin: une pause d'un mois entre les deux dernières réunions. Mais après cela, seuls quatre jours ouvrables ont suffit pour la préparation et la rédaction du verdict".

Selon l’édition russe "Commerçant", le FSB estime qu’en septembre 2016, Souchtchenko est arrivé à Moscou en provenance de Paris sous prétexte de voir son cousin, mais qu’en vérité, il profitait de son séjour pour recueillir des informations. " Souchtchenko serait soi-disant un ancien diplômé d’une école militaire avec le grade de colonel et travaillerait pour le service de renseignement ukrainien sous la couverture du journaliste. Selon la version des enquêteurs, il était surtout intéressé par les détails de la structure de la Garde nationale de la Fédération de Russie". En outre, le journaliste de "Commerçant" écrit que "selon le FSB, Roman Souchtchenko essayait de savoir auprès d’anciens militaires russes si une nouvelle offensive des séparatistes de la République populaire de Donetsk était envisageable". Et pour obtenir ces renseignements Souchtchenko serait allé non pas à Donetsk ou à Louhansk, mais à Moscou?! Ainsi les journalistes de "Commerçant" confirment la liaison directe entre le Kremlin et les prétendues Républiques populaires de Donetsk et de Louhansk.

Et plus tard la "justice" russe rend un verdict absurde. Ce que Souchtchenko essayait d’"apprendre" et auprès de qui, tout cela reste inconnu, l’accusation n’a interrogé qu’un seul témoin. Donc, si on se fonde sur cette logique, n’importe qui peut être accusé et mis en cause, une pratique habituelle pour la Thémis russe.

"Roman Souchtchenko est reconnu coupable et condamné à 12 ans de prison. Le lieu de sa détention sera une colonie pénitentiaire de régime strict. Le délai de détention sera décompté à partir du 4 juin 2018. Le maintien de Souchtchenko dans une cellule de détention provisoire du 30 septembre 2016 au 4 juin 2018 sera déduite de la peine totale d'emprisonnement", a annoncé Oleg Mouzytchenko, juge de la cour de Moscou.

Un appel contre le verdict peut être déposé auprès de la Cour Suprême de la Fédération de Russie dans un délai de 10 jours après son annonce. Marc Feyguine, avocat de Souchtchenko, a déclaré que l’appel a déjà été déposé, mais il est plutôt pessimiste en ce qui concerne les délais.

"L’été commence et l’expérience montre que des histoires pareilles n’avancent plus pendant la période estivale (d’autant plus que je n’ai pas le texte intégral du verdict). Donc trois mois tombent à l’eau et la deuxième instance pourrait durer environ six mois", a-t-il précisé, en ajoutant que l’annonce du verdict était déjà l’occasion de commencer des négociations concernant l’échange de Roman. Eventuellement, il pourrait être échangé contre Kiril Vychynsky, le directeur de «RIA Novosti Ukraine», arrêté en Ukraine. Marc Feyguine estime que la Russie serait intéressée de le récupérer, étant donné les réactions multiples et vives que son arrestation a provoquées dans les médias russes. Par ailleurs, Andriy Domansky, avocat de Vychynsky, a déclaré récemment qu’il n’excluait pas la possibilité d’un tel échange. Mais, outre notre collègue Roman Souchtchenko, d'autres prisonniers ukrainiens sont dans la "file d'attente" pour être échangés. Oleg Sentsov, Olexandre Koltchenko, Stanyslav Klyck, Volodymyr Baloukh.... La liste est longue. Il est difficile même d’imaginer la tension psychologique qu’éprouvent les personnes responsables des échanges. Ensuite, il faut bien se rendre compte que tout dépendra surtout de Moscou qui a déjà refusé à deux reprises la proposition de Kyiv sur l’échange de 23 citoyens russes (militaires et agents des forces spéciales russes) contre des prisonniers ukrainiens. Refusera-t-elle une troisième fois?.... Très bientôt, la Russie accueillera la Coupe du Monde que l'Ukraine va boycotter et elle exhorte le monde civilisé entier à faire de même. Maintenant, on sait que la haute direction de 6 États, Grande-Bretagne, Pologne, Japon, Suède, Islande et Danemark, a prévu de limiter au maximum tout contact avec les autorités russes. Donc, on peut espérer (même s’il est difficile d’y croire) que Poutine suivra l’exemple d’Hitler qui, à l'époque des Jeux Olympiques de 1936, avait ordonné (temporairement) d'arrêter les représailles et les pogroms, et qu’il fera un " geste de bonne volonté", c'est-à-dire relâchera tous les prisonniers politiques (ou au moins un).

Myroslav Liskovitch, Kyiv

Photo : Roman Tchymbaluk

EH


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