Ukraine, sous le feu et sous le joug : l’ONU alerte sur l’ampleur des crimes russes dans les territoires occupés
Tortures, exécutions sommaires, disparitions forcées, déportations : dans les territoires ukrainiens occupés, la liste des exactions commises par les forces russes semble s’allonger mois après mois.
Selon le dernier rapport du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, la répression s’y est « systématisée », au point de menacer l’identité même de la population ukrainienne.
Un bilan humain vertigineux
Depuis le début de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine, en février 2022, plus de 50 000 civils ont été tués ou blessés, dont plus de 3 000 enfants, selon les chiffres publiés vendredi à Genève. « Trois ans et demi après le déclenchement de la guerre, celle-ci a atteint une étape encore plus dangereuse et meurtrière pour les civils ukrainiens », a alerté Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, devant le Conseil des droits humains.
Ces chiffres, souligne-t-il, ne sont que la partie visible d’un drame humain beaucoup plus vaste. De nombreuses zones restent inaccessibles aux enquêteurs de l’ONU, notamment dans les régions du Donbass et du sud, où les combats se poursuivent. « Le nombre réel de victimes est probablement bien plus élevé », précise le rapport.
Un système de terreur et d’impunité
Au-delà des pertes humaines, l’ONU dénonce un système répressif structuré dans les zones passées sous contrôle russe. Les civils y seraient soumis à un climat de peur permanente : arrestations arbitraires, détentions prolongées, disparitions forcées.
« Des habitants ont été arrêtés dans la rue, parfois pour un simple message sur les réseaux sociaux, puis détenus pendant des semaines, des mois, voire des années », détaille M. Türk. Son bureau a documenté 90 exécutions sommaires et 38 décès en détention, souvent liés à la torture, au manque de soins médicaux ou à des conditions de détention inhumaines.
Les enquêteurs font également état de violences sexuelles et de mauvais traitements systématiques visant à briser la résistance psychologique des civils ukrainiens. Selon Volker Türk, les récents amendements à la législation russe ont même « institutionnalisé l’impunité des militaires », rendant presque impossible toute poursuite judiciaire contre les auteurs de ces crimes.
Une « russification » forcée
Dans ces territoires occupés, la guerre ne se mène pas seulement par les armes. Elle vise aussi les esprits et les identités. Les habitants du sud et de l’est du pays, notamment dans les régions de Zaporijjia, Donetsk et Louhansk, sont poussés à accepter la citoyenneté russe, souvent condition nécessaire pour accéder aux soins médicaux, à l’éducation ou aux aides sociales. Ceux qui refusent s’exposent à des pressions, des intimidations ou des déportations.
Les autorités d’occupation imposent un programme scolaire remanié, où les manuels ukrainiens sont remplacés par des contenus patriotiques russes. Des cours de formation militaire ont été introduits dès le primaire, tandis que la surveillance numérique s’intensifie : les messageries et les VPN, habituellement utilisés pour contourner la censure, sont désormais placés sous contrôle.
« De telles pratiques témoignent d’une volonté délibérée d’étouffer toute dissidence et d’effacer l’identité ukrainienne », a averti le Haut-Commissaire.
Appel à la justice et à la fin du conflit
Face à ces constats, Volker Türk a exhorté Moscou à « mettre fin immédiatement à ses exactions » et appelé toutes les parties à ouvrir des enquêtes indépendantes sur chaque allégation de crime de guerre.
« Cette guerre doit cesser. Le coût humain pour les civils, pour les soldats et leurs familles est accablant et déchirant. Chaque jour de violence augmente le risque d’escalade et d’extension du conflit au-delà de l’Ukraine », a-t-il insisté.