L’Ukraine affrontera son quatrième hiver de guerre plongée dans le noir et le froid par les frappes russes
L’Ukraine entre dans son quatrième hiver depuis l’invasion à grande échelle de février 2022, et il s’annonce comme le plus dur. Moscou a fait du réseau énergétique sa cible prioritaire : chaque nuit, des vagues de drones et de missiles frappent centrales, postes électriques et chaufferies.
Des millions de civils se retrouvent privés d’électricité, de chauffage et d’eau chaude, parfois vingt heures par jour, alors que les températures plongent déjà sous les -15 °C dans certaines régions.
« Chaque poste électrique, conduite de chauffage ou station de pompage endommagé est susceptible de provoquer des pannes en cascade », a prévenu mardi Joyce Msuya, coordinatrice adjointe des affaires humanitaires de l’ONU, devant le Conseil de sécurité. Selon elle, les équipes ukrainiennes, épuisées, « ne parviennent plus à suivre l’ampleur des dégâts ». Le 29 novembre, une seule frappe a laissé 600 000 habitants de la région de Kyiv sans électricité par -10 °C.
À Kherson, un médecin local résume la réalité avec une froideur clinique : « Les gens peuvent survivre un certain temps sans électricité, mais pas sans chauffage. Sans chauffage, nos patients âgés déclinent en quelques heures. »
Les plus vulnérables paient le prix le plus lourd : personnes âgées coincées aux étages sans ascenseur, familles avec bébés frigorifiés, habitants isolés dans des villages sans aucun service. À Lyman, dans l’Est, les familles rationnent désormais les colis humanitaires.
Écoles et hôpitaux sont eux aussi en première ligne. En 2025, plus de 340 établissements éducatifs ont été endommagés ou détruits. L’OMS a vérifié des centaines d’attaques sur des structures médicales, alors que les risques d’hypothermie, de traumatismes et d’infections respiratoires explosent.
Sur le front, certaines localités de Donetsk, Kharkiv ou Soumy n’ont plus ni pharmacie, ni commerce, ni médecin ; certains quartiers sont inhabitables depuis plus de deux ans. Les évacuations, autrefois limitées aux zones de combat, touchent désormais des centres urbains entiers. Pour ceux qui ne peuvent pas partir, rester signifie affronter un quotidien sans chaleur, sans eau, parfois sans lumière du jour.
L’aide humanitaire avance sur un fil. Si 44 convois ont atteint des zones difficiles d’accès depuis janvier, d’autres sont bloqués par les combats ou les restrictions. En octobre, un convoi onusien clairement identifié a été frappé dans la région de Kherson. Le plan hivernal manque encore de 35 % de son financement. « Sans ressources supplémentaires, des dizaines de milliers de personnes seront abandonnées au froid et au danger », alerte Joyce Msuya.
Malgré tout, la population continue de résister : voisins qui se secourent, écoles et cliniques maintenues tant bien que mal. Mais la marge de manœuvre se réduit chaque jour.
« Ils endurent cet hiver sous le feu et dans le noir », conclut Joyce Msuya. Quatre ans après le début de l’escalade, l’Ukraine n’a plus le luxe d’attendre.