Volodymyr Zelensky à l'ONU : « Qu’est ce que nos rencontres apportent à l’humanité ? »

Volodymyr Zelensky à l'ONU : « Qu’est ce que nos rencontres apportent à l’humanité ? »

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Ukrinform
Dans son premier discours, lors du débat de la 74ieme session de l’Assemblée Générale des Nations Unies, le Président ukrainien a attiré l’attention sur les dangers que représente une guerre qui n’est pas prise au sérieux et sur le rôle véritable de l’ONU.

L’Union des Ukrainiens de France propose l’intégralité du discours du Président Zelensky dans lequel il a rendu hommage à Wassyl Slipak – défunt membre très actif de notre association.

Mesdames et Messieurs,

C’est au nom de l’Ukraine que je vous félicite, Monsieur le Président, pour votre élection à la présidence de la 74 ieme session de l’Assemblée Générale des Nations Unies. L’Ukraine soutient la réalisation de toutes les priorités ambitieuses de l’Assemblée de cette année

Soyons sincères, tous les représentants ici présents ont leurs propres intérêts, leurs points de vue ainsi que des préoccupations et des valeurs différentes. Nous avons tous en commun, Mesdames et Messieurs, le fait d’avoir prononcé un premier discours depuis cette tribune. S’ il vous plaît, je vous prie de vous remémorer les sensations que vous avez éprouvées à cet instant. Vous êtes tous aujourd’hui des personnes compétentes et respectueuses. Auparavant vous étiez des personnalités politiques débutantes mais, j’en suis persuadé, sincères

Un mélange de pragmatisme, de scepticisme et de dure réalité géopolitique n’avait pas encore réussi à assouvir votre passion, votre romantisme et votre inébranlable conviction que le monde peut être meilleur.

Souvenez vous combien il vous paraissait important d’exprimer les problèmes et les infortunes de votre pays et de votre peuple. Il était primordial de vous faire entendre à ce moment là. Aujourd’hui, moi même, j’éprouve des sentiments similaires.

Je vais vous narrer l’histoire d’un homme pour lequel “être entendu” etait devenu le sens même de sa vie. Cet homme possédait une voix divine et était considéré comme l’un des meilleurs barytons et contre ténors du monde. Sa voix a résonné au Carnegie hall de New York, à Notre Dame de Paris, au Covent garden de Londres et au Grand Opéra de Paris. Chacun d’entre vous aurait pu entendre son incroyable talent, mais hélas vous ne pouvez plus le faire. En effet, 12,7mm n’ont pas seulement mis fin à sa carrière mais lui ont également ôté la vie. Le prix de revient de ces 12,7mm est de 10 dollars et malheureusement aujourd’hui c’est le prix d’une vie sur notre planète.

Des histoires comme celle ci, il y en a des milliers et des balles de 12,7mm se comptent en millions.

Bienvenue au 21ieme siècle, siècle de nombreuses possibilités où, au lieu “d’être entendu” vous avez la possibilité “d’être tué”.

La personne dont je viens de vous décrire l’histoire s’ appelait Wassyl Slipak. Il était ukrainien et chanteur de l’opéra national de Paris, il est mort dans le Donbass en défendant l’Ukraine de l’agression russe.

Cela fait 5 ans que la guerre perdure dans le Donbass et cela fait 5 ans que la Russie a annexé la péninsule de Crimée. A ce jour, le droit international se compte en milliers de pages et des centaines d’organisations sont amenées à défendre ce droit, alors que les citoyens de notre pays, les armes à la main et en sacrifiant leur vie défendent sa souveraineté et son intégrité territoriale.

Plus de 13.000 morts, 30.000 blessés, 1 demi million de réfugiés, ces chiffres sont effrayants et sont en augmentation d’année en année. La fin de la guerre, la restitution de tous les territoires ukrainiens occupés et le retour de la paix, telle est ma tâche. Mais cela ne peut se faire au prix des vies de nos citoyens ou de la liberté et du droit de l’Ukraine d’effectuer ses propres choix.

C’est pour cette raison que nous avons besoin du soutien international. Je comprend que tous les représentants ici présents aient des préoccupations pour leur propre pays et qu’ils ne se sentent pas concernés par les problèmes des autres. Dans le monde actuel, il n’existe plus de guerre des autres. Aucun d’entre vous ne peut se sentir en sécurité lorsqu’il y a une guerre en Ukraine, une guerre en Europe.

Penser que cela ne vous concerne pas et ne vous concernera jamais pourrait devenir fatal. On ne peut envisager la globalité des choses et fermer les yeux sur les détails ou, comme certains peuvent le croire, sur des bagatelles. C’est sur de telles bases qu’ont été déclenchées les deux guerres mondiales. C’est ainsi que des dizaines de millions de vies humaines ont payé le prix de l’inattention, du silence, de l’inaction ou finalement de la réticence à renoncer à ses propres ambitions. L’humanité commence t’elle à oublier ces terribles leçons de l’histoire ?

L’Ukraine en a souvenance et a toujours démontré sa volonté de pourvoir à la paix de façon civilisée et en s’ acheminant vers la sécurité internationale. par exemple, lorsqu’elle a renoncé à son armement nucléaire qui, à l’époque était supérieur à celui de la Grande Bretagne, de la France et de la Chine réunies.

Il nous semblait que nous construisions un autre monde, un monde nouveau, dans lequel il n’est pas nécessaire de posséder des armes nucléaires pour être entendu et respecté. Un monde où l’on est respecté pour nos actes et non pas parce que vous possédez des ogives nucléaires.

Finalement, dans ce “nouveau monde” notre pays a perdu une partie de son territoire et déplore quotidiennement la perte de citoyens.

Qui, si ce n’est l’Ukraine, aurait aujourd’hui le droit d’évoquer la nécessité de repenser et de réviser les règles mondiales actuelles ? Évidemment, nous ne mettons pas en cause l’autorité des institutions internationales et, en particulier, celle des Nations Unies. Cependant, il faut bien reconnaître que ses mécanismes ne sont pas parfaits. Ils sont sur le point d’échouer et nécessitent donc une mise à jour.

L’organisation des Nations Unies. Soyons francs, aujourd’hui, les nations sont-elles réellement unies ? Et si ce n’est le cas, qu’est ce qui les unit ? Ce sont des malheurs, des catastrophes et des guerres.

Depuis cette plus grande tribune mondiale, nous entendons toujours des appels à des changements équitables, à des justes promesses et à des annonces d’initiatives nouvelles. Il est grand temps que tout cela soit suivi d’actes concrets. Du fait que dans le monde moderne la vie humaine coûte 10 dollars, les paroles ont perdu toute leur valeur depuis belle lurette.

Rappelons nous dans quel but l’ONU a été créée en 1945. C’était pour maintenir et pour renforcer la paix et la sécurité internationale. Mais que faire lorsque les bases mêmes de la sécurité internationale sont en danger ? Aujourd’hui les guerres – en Ukraine, en Syrie, au Liban, au Yémen ou dans toute autre partie du monde – peu importe le nombre de victimes : cela constitue la plus grande menace pour toute la civilisation, parce que en 2019, l’homme intelligent, l’homo sapiens continue toujours à régler les conflits en tuant ses semblables. Tout au long de son existence l’humanité a toujours inventé de nouveaux moyens pour raccourcir les distances, transmettre l’information, guérir des maladies.

Une seule chose reste inchangée, c’est le règlement des litiges entre les peuples et les pays qui s’ effectue non pas par des paroles mais par des fusées. Not by word, but by war. Veuillez ne pas penser que la guerre est lointaine, ses méthodes, ses technologies et l’armement ont rendu notre planète plus vulnérable. Aujourd’hui le temps que j’ai passé à lire le dernier paragraphe de mon discours serait suffisant pour anéantir la terre.

Cela signifie que chaque dirigeant est responsable non seulement du destin de son pays mais également de la terre entière. A mon avis, nous devons tous prendre conscience qu’un dirigeant fort n’est pas celui qui envoie sans ciller des milliers de soldats vers une mort certaine. Un dirigeant fort est celui qui préserve la vie de chaque personne.

Maintenant répondons à cette question : Qu’est ce que nos rencontres apportent à l’humanité si pour quelques uns s’ agit il de théâtre politique où l’on joue des rôles où l’on déclare de pures intentions pour les remplacer par la suite par de sombres desseins ? Pourtant, il ne s’ agit pas d’une tribune ou d’une scène et les 7 milliards et demi d’habitants ne sont pas des spectateurs mais des acteurs de la vie réelle. Les bases du scénario de cette vie sont posées précisément ici. Une chose dépend aujourd’hui de chaque représentant ici présent, c’est tout simplement notre existence.

Je vous avoue que j’aimerai bien que ce discours s’ intitule un jour : “15mm qui ont changé le monde”

Je comprends parfaitement qu’il est impossible de changer en 15mm ce qui existe depuis des milliers d’années dont les théories du comportement qui affirment que la guerre est partie intégrante de la nature humaine. Cependant le monde change et l’homme change avec lui. Compte tenu du fait que nous avons acquis l’écriture, les mathématiques, inventé la roue, la pénicilline, conquis l’espace, tout cela signifie que l’humanité a encore une chance.

C’est en prenant conscience de tous les dangers encourrus par la civilisation, que nous devons générer d’autres sens et nous battre pour une nouvelle mentalité de l’homme en laquelle l’agressivité, la colère et la haine deviendraient des sentiments amoindris.

Mesdames et Messieurs ! ce jour 25 septembre est décédé Erich Maria Remarque et il y a 90 ans son roman “A l’ouest, rien de nouveau” voyait le jour. Je voudrais rappeler une phrase de l’avant propos :

“C’est une tentative de parler de la génération mutilée par la guerre. De ceux qui sont devenus sa victime, même en ayant échappé à ses obus”. Il y a également 90 ans qu’un autre roman voyait le jour, il s’ agit de “L’adieu aux armes” d’Ernest Hemingway dont voici une citation : “Il est impossible de gagner une guerre par des victoires. Celui qui gagne une guerre, n’arrête jamais de faire la guerre …”

Le monde doit se souvenir que chaque prochaine génération mutilée est un chemin vers une nouvelle guerre qu’il est impossible, tout simplement impossible de gagner avec des victoires. Certains disent aujourd’hui : “Il n’y aura pas de troisième guerre mondiale, mais il y aura la dernière”. J’espère que cette phrase n’est qu’une prise de conscience et non pas une annonce.

MERCI

Traduction de Anna Chesanovska

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