La Russie rappelle ses officiers du Centre commun du contrôle et de la coordination du cessez-le-feu: s’agit-il de la menace d’une offensive à grande échelle?

La Russie rappelle ses officiers du Centre commun du contrôle et de la coordination du cessez-le-feu: s’agit-il de la menace d’une offensive à grande échelle?

Ukrinform
Pas si sûr! La Russie ne peut pas se permettre une guerre longue, qu’elle perdra tôt ou tard. Mais elle continuera de jouer sur les nerfs.

Le 19 décembre, les représentants russes du Centre commun du contrôle et de la coordination du cessez-le-feu et de la stabilisation sur la ligne de démarcation ont définitivement quitté l’Ukraine. Le ministère des Affaires étrangères russes explique ce départ par les «actes de la partie ukrainienne qui créait délibérément une ambiance morale et psychologique difficile pour nous militaires et les empêchait de remplir leurs obligations de service».

En ce qui concerne les «conditions insupportables», selon les termes du ministre des Affaires Étrangères russe, pour les Russes dans le Centre commun du contrôle et de la coordination, alors c’est peut-être vrai si «conditions insupportables» signifient interdiction d’espionner les unités et les positions des militaires ukrainiennes. Il faut quand même avouer que la raison de cette démarche des Russes ne pose de problèmes à personne: après tout, ils savaient qu’ils n’allaient pas dans une station balnéaire. La question la plus important que l’on se pose est la suivante: le départ de la délégation russe du Centre commun du contrôle et de la coordination du cessez-le-feu cache-t-il la décision de la Russie d’entrer dans une guerre totale? En tout cas, l’état-major ukrainien a prévenu: à partir du 19 décembre, la situation dans la zone de l’opération anti-terroriste à l’est de l’Ukraine pourrait se détériorer:«L’ennemi prévoit, notamment, d’activer le travail de ses groupes de renseignement et de sabotage sur les objets militaires appartenant aux Forces armées ukrainiennes, les objets de l’infrastructure du transport et de l’énergie, d’augmenter le nombre d’attaques sur nos positions et sur les quartiers résidentiels des localités le long de la ligne de démarcation». L’état-major avait fait cette déclaration le 18 décembre dans la matinée, alors que le jour-même, après le coucher du soleil, les troupes d’occupation russes ont tiré sur la localité de Novolouhanske dans le secteur de Donetsk avec des systèmes de lance-roquettes multiples «Grad», faisant des victimes parmi les civils et des destructions.

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Il faut reconnaître que les «conditions insupportables créées pour les officiers russes» ne peuvent pas être la raison ou même le prétexte d’une offensive russe à grande échelle, car trop dérisoires. La décision d’entreprendre une guerre totale sous prétexte que les officiers russes sont obligés d’aller à la cantine en compagnie des militaires ukrainiens ou parce qu’ils ne peuvent pas communiquer avec la population civile aurait été trop difficile à «faire avaler» même à l’électorat russe, sans parler de l’Europe et du reste du monde.

Et, pourtant, il ne faudrait pas sous-estimer la valeur des prétextes. Si les Russes ont la ferme intention d’entreprendre une offensive militaire d’envergure pour régler d’un seul coup tous les problèmes avec l’Ukraine, alors ils inventeront n’importe quel prétexte. Mais en ont-ils vraiment l’intention?

Les négociations entre les États-Unis et la Russie (Volker+Sourkov) sont au point mort. Les positions des deux côtés sur la mission de paix de l’ONU ne sont pas compatibles. Cela veut dire que le conflit est sur le point d’être gelé. Selon Alexandre Hug, premier adjoint de la mission de suivi de l’OSCE en Ukraine, «Aujourd’hui, la fin de la guerre n’a jamais parue aussi lointaine». John Herbst, diplomate américain, dit la même chose: «La guerre durera dix ans, peut-être même vingt ans».

Aussi la question qui se pose c’est combien de temps les parties du conflit pourront-elles attendre sans céder? Laquelle a le plus de temps devant soi? Bien évidemment, c’est l’Occident: il n’est pas pressé, la guerre n’est pas sur son territoire et les dépenses financières pour la guerre (sous la forme des sanctions anti-russes) sont beaucoup moins douloureuses pour l’Occident que pour la Russie. C’est l’Ukraine qui perd le plus, mais elle est obligée d’attendre autant qu’il le faudra car, pour le moment, elle ne peut pas changer la situation de manière décisive.

La Russie a une certaine réserve de temps, car la baisse du niveau de vie des Russes liée à la guerre que le Kremlin a déclenché contre l’Ukraine et l’Occident ne menace pas la stabilité du régime politique russe. En tout cas, pas pour le moment. Quel degré de pauvreté les Russes devraient-ils atteindre pour se décider enfin à se rebeller en masse contre le pouvoir, nul ne le sait, mais cette limite existe sans doute. Et le maître du Kremlin le sait. Donc, le pouvoir russe va devoir prendre des mesures pour que le temps d’attente pour l’Ukraine, l’Europe, l’Occident se termine plus tôt que celui pour la Russie. Un des arguments les plus importants est de convaincre les opposants que la «phase chaude» de la guerre dans le Donbass peut revenir à tout moment, que le «cessez-le-feu» relatif qui s’est installé sur le front après la bataille de Debaltseve en février 2015 n’est pas éternel, n’est pas fiable, et qu’espérer que la guerre reste localisée et ne menace ni l’Europe, ni la «grande» Ukraine n’est qu’une illusion. Autrement dit, la Russie devrait maintenir une situation suffisamment tendue pour que ses ennemis politiques ne se détendent pas trop lors des négociations politiques et ne s’imaginent pas que la Russie est bloquée par son incapacité à garder le Donbass occupé et à résister aux sanctions occidentales. Donc, malheureusement, tant que Sourkov et Volker ne se mettront pas d’accord, les informations sur les bombardements, les soldats ukrainiens et les civils tués et blessés continueront de parvenir du front.

Tout cela signifie que la Russie n’acceptera pas un cessez-le-feu stable et à long terme sur le front en Ukraine, mais n’osera pas entreprendre une offensive à grande échelle. Car les pronostiques concernant cette offensive sont difficiles à faire. Surtout lorsque l’on parle de la réaction de l’Occident. Si le Kremlin avait été sûr qu’une offensive à grande échelle ne conduira pas à une réponse sévère et immédiate de l’Occident (on parle, tout d’abord, des États-Unis), alors la possibilité de cette offensive aurait été bien plus élevée. Mais d’où viendra cette assurance? La Russie ne peut plus espérer provoquer un choc en Occident, comme elle l’a fait en mars 2014 lors de l’annexion de la Crimée. L’Occident est prêt à donner une réponse immédiate à la Russie si, aujourd’hui, elle ose agir comme en 2014.

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La Russie actuelle ne pourra pas non plus se permettre de faire une guerre longue contre un ennemi potentiellement fort. Alors que l’Ukraine, bien entendu avec l’aide de l’Occident, est un ennemi potentiellement fort. Pour vaincre l’Ukraine, la Russie devra miser sur un blitzkrieg, autrement dit une guerre rapide avec une capitulation totale de l’ennemi. Sinon, ce sera une guerre longue que la Russie perdra tôt ou tard, mais obligatoirement. L’expérience des deux guerres mondiales en est une preuve. Et le Kremlin a beau montrer sa capacité de mener une guerre contre le monde entier, l’Occident n’y croit pas.

Il est aussi à noter que la plupart des Russes ne veulent pas non plus de cette guerre à grande échelle. Et même si leur mécontentement n’est de toute évidence pas le plus grand obstacle pour lancer une offensive d’envergure contre l’Ukraine, cela reste un facteur de dissuasion. Surtout aujourd’hui, quand la campagne électorale présidentielle est lancée. Car Poutine souhaite mener cette campagne en tant qu’«artisan de la paix», ayant «vaincu tous les ennemis», ce qui permettra aux Russes de vivre dans la paix, sans guerre.

Yuriy Sandoul, Kyiv.


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